Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/183

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rien des principes dont il résulte que les colonies font partie intégrante de la République française, une, indivisible et démocratique », seulement on maintenait des droits spéciaux sur les denrées coloniales.

Quelques jours avant la fin des débats relatifs à la Constitution de l’an III, la Convention, dans sa séance du 5 thermidor (23 juillet 1795), avait entendu un rapport de Defermon parlant au nom du comité de salut public ; il s’était exprimé ainsi au sujet de Saint-Domingue, la colonie la plus en vue, à la fois sous le rapport de l’importance et de l’agitation (chap. ix et xix), où l’affranchissement des nègres proclamé par la loi du 16 pluviôse an II (4 février 1794) s’était heurté à la résistance non seulement des propriétaires blancs, mais des propriétaires mulâtres qui, s’ils voulaient être mis personnellement sur un pied d’égalité complète avec les blancs, protestaient contre l’élévation des nègres au même niveau : « Si on nous demande quel est l’esprit public dans la colonie, nous répondrons : là où votre décret sur la liberté des noirs n’est pas exécuté, la République est méconnue, l’Anglais ou l’Espagnol domine ; et les colons ont mieux aimé se jeter sous une tyrannie étrangère, que de renoncer à posséder des esclaves… Qu’on ne parle plus de la nécessité de l’esclavage pour la culture. Plusieurs habitations ont continué ou repris leurs travaux sous la loi de la liberté, sans autre différence que dans le partage des produits, auxquels les cultivateurs sont appelés pour un quart, tandis qu’auparavant leur maître ne leur tenait aucun compte de leurs sueurs. »

À la suite de ce rapport, la Convention s’était, dans la même séance, prononcée pour le maintien provisoire du gouvernement militaire à Saint-Domingue, avait interdit « toute assemblée coloniale » jusqu’à ce qu’il en eût été autrement ordonné par la Constitution, et avait décidé que les règlements faits par le gouverneur seraient provisoirement exécutés, mais adressés le plus tôt possible à la commission de la marine pour que la Convention statuât définitivement. C’était là le refus de l’autonomie administrative chère alors aux colons contre-révolutionnaires qui — ce fut dit à la Convention le 16 pluviôse an 11 (4 février 1794) — préconisaient « un gouvernement particulier à chaque département, c’est-à-dire le régime intérieur ou petit corps législatif ; régime tant désiré, tant sollicité par les colons, parce que c’est une indépendance de fait ».

Par la loi du 5 pluviôse an IV (25 janvier 1796), le Directoire fut autorisé à envoyer des agents dans les colonies, et cinq notamment à Saint-Domingue, pour les faire jouir « des bienfaits de la Constitution républicaine ». Cette loi fut attaquée par les réacteurs que les élections de l’an V envoyèrent siéger au Corps législatif (chap. xv) et la loi du 23 prairial an V (11 juin 1797) rapporta ses dispositions relatives à Saint-Domingue. Dans la discussion qui précéda ce vote, le vendémiairiste Vaublanc (voir début du chapitre xv) avait, dans la séance des Cinq-Cents du 10 prairial (29 mai 1797), justifié les colons, leur opposition à l’émancipation des noirs proclamée par la métropole et leur « dé-