Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/190

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bateur… Sa punition ne fixe pas plus l’attention publique que le châtiment infligé à un individu quelconque. Pourquoi ? Parce que votre législation ne l’a pas distingué… »

C’est la théorie du droit commun. Comme elle a gardé des partisans aussi bien inspiré ? qu’Audouin, et sans examiner l’efficacité intrinsèque de la déclaration à propos de laquelle elle fut exposée par celui-ci, il ne sera peut-être pas inutile de montrer ce qu’il y a de factice dans cette théorie. Le droit commun, en effet, sous peine d’illogisme, ne peut être invoqué que lorsqu’il y a à régler des situations communes ; à des situations spéciales, il faut tout naturellement des solutions spéciales. Peut-on soutenir qu’il y a communauté de situation entre l’Église catholique qui a dominé l’État, qui n’agit qu’en vue de cette domination, qui, matériellement et moralement, possède les plus puissants moyens d’agir, et une autre collectivité quelconque, une autre association quelconque ? Peut-on soutenir que cette Église et ses annexes régulières ou séculières ne se trouvent pas chez nous dans une situation spéciale, dans une situation telle qu’elle n’a pas d’équivalent ? Or tout le problème est là. Si on n’ose pas répondre affirmativement à ces questions, le plus sévère appel au droit commun et le plus flamboyant étalage de principes ne constituent que des duperies.

Le Conseil des Cinq-Cents ayant, le jour même, voté par assis et levé sur la suppression de la déclaration, le président, le réacteur Henry Larivière, prononça qu’elle était adoptée. Sur de vives et nombreuses réclamations, nouvelle épreuve, même résultat d’après le président, et nouvelles protestations. Le président ne tint pas compte d’une demande de vote par appel nominal et leva la séance. Le lendemain (16 juillet), Lamarque réclama énergiquement l’appel nominal et, à une très forte majorité, le Conseil décida d’y procéder : sur 414 votants, 210 se prononcèrent pour le maintien de la déclaration et 204 contre ; c’était un petit échec pour les modérés et leurs amis plus ou moins avoués, les cléricaux.

Après le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) accompli, contre ralliés et royalistes coalisés, par la majorité du Directoire, celui-ci dont les fonctionnaires avaient jusque-là mal secondé la rigueur en revint, et moins platoniquement, à la politique de répression, de persécution. En vertu de la loi du 19 fructidor an V (5 septembre 1797), tous les prêtres durent « prêter le serment de haine à la royauté et à l’anarchie, d’attachement et de fidélité à la République et à la Constitution de l’an III » (chap. xvii) ; cette déclaration était plus catégorique que la précédente, et le Directoire acquérait, en outre, la faculté de déporter « les prêtres qui troubleraient dans l’intérieur la tranquillité publique » (art. 24), sous la seule réserve d’opérer par « arrêtés individuels ». Le nombre des soumissionnaires fut, cette fois, beaucoup moins grand que sous le régime précédent et la résistance du clergé aux lois fut plus ouverte.