Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/193

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s’accommodèrent du régime d’égale liberté. À côté d’eux, il me faut mentionner ceux qui s’évertuèrent une fois de plus à unir la carpe et le lapin, je veux dire à fonder une religion raisonnable. L’initiateur direct en la circonstance fut un nommé Chemin-Dupontès, écrivain et libraire, et la première séance eut lieu, au coin de la rue des Lombards et de la rue Saint-Denis, le 26 nivôse an V-15 janvier 1797 (Études et leçons sur la Révolution d’Aulard, 2’ série, p. 149). Le 12 floréal de cette même année (1er mai), La Revellière-Lépeaux lisait à l’Institut ses Réflexions sur le culte, sur les cérémonies civiles et sur les fêtes nationales qui étaient inspirées par la même idée de substituer aux différentes pratiques cultuelles la simple apologie des idées générales communes aux diverses religions. C’est là ce qui, avec l’appui d’hommes tels que Valentin Haüy, l’admirable éducateur des jeunes aveugles, un des promoteurs, Dupont (de Nemours), Le Coulteux (de Canteleu), Goupil de Prefelne, Bernardin de Saint-Pierre, etc., constitua la « théophilanthropie » ou le culte dit naturel. La Revellière resta étranger à cette agitation, mais se servit de sa situation de membre du Directoire pour plaider la cause des théophilanthropes qui eurent, bientôt à leur disposition Saint-Sulpice, Saint-Germain-l’Auxerrois, etc., et, à la fin de l’an VI, toutes les églises de Paris, où leurs orateurs — ils n’avaient pas de prêtres professionnels — discouraient revêtus de vêtements de couleurs tendres. Leur vogue du début alla, d’ailleurs, en déclinant.

Quant à la franc-maçonnerie, à la fin de 1796, elle n’avait plus, paraît-il, à Paris (La Révolution française, revue, t. XXXVII, p. 278) que deux loges en activité. Le rapport de police du 2 germinal an V (22 mars 1797) en signalait une troisième : « une loge de francs-maçons établie à la place dite Royale et composée d’ouvriers presque tous Allemands, laisse entrevoir plutôt une société de gens de table qu’un rassemblement nuisible à la chose publique » ; par suite de sa composition, il m’a paru intéressant de la mentionner après ce qu’a écrit Jaurès (t. IV, p. 1530) sur l’influence certainement restreinte, mais possible en quelques cas, de l’illuminisme allemand.

S’il y a eu, à partir de cette époque, tendance à augmentation, on doit se souvenir que les loges constituèrent souvent alors, en France comme à l’étranger, des foyers d’opposition royaliste. Dans Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, d’Aulard (t. IV, p. 218-219), on trouve un projet ironique sur le droit de réunion publié par l’Ami des lois du 29 messidor an V (17 juillet 1797) pour se moquer des intentions réactionnaires des élus de l’an V (voir chap. xvii). Ce projet exceptait de ses dispositions dérisoirement rigoureuses « les salons dorés, les boudoirs, les maisons où logent tous les membres du nouveau tiers,… les loges de franc-maçonnerie… attendu qu’elles ne sont point composées de gens du peuple et que, par l’intromission de quelques nouveaux membres chargés de nos instructions, ces associations doivent remplir toutes les intentions de Sa Majesté Louis XVIII » ; et, à