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rapportés « de l’île de la Trinité » défilèrent sous la pluie, depuis le Jardin des Plantes jusqu’au Champ-de-Mars, en suivant ce qui constituait alors les boulevards extérieurs de la rive gauche. Le discours prononcé à ce propos par le ministre de l’Intérieur, François (de Neufchâteau), est un modèle de cette niaise vantardise qu’ont si grossièrement exploitée depuis les meneurs nationalistes ; il félicita sérieusement les plus grands génies artistiques de la bonne aubaine qui leur arrivait : « C’était pour la France, s’écria-t-il, que vous enfantiez vos chefs-d’œuvre… réjouissez-vous, morts fameux, vous entrez en possession de votre renommée », et, avec une outrecuidante inconscience, il déclara qu’une telle cérémonie était la preuve de la disparition du « vandalisme ». Le lendemain, 10 thermidor (28 juillet), ces objets furent présentés au Directoire.

Une des grandes attractions de ces fêtes fut le feu d’artifice ; il y eut aussi des courses diverses et voici, pour les amateurs de records, les résultats obtenus par les vainqueurs, le jour de la fête de la République, le 1er vendémiaire an VII (22 septembre 1798) : courses à pied, 251 m 50 en 32 secondes 7/10 ; courses à cheval, 2 575 mètres en 3 minutes 31 secondes ; courses de chars, 1 478 mètres en 2 minutes 13 secondes (Décade philosophique du 20 vendémiaire an VII-11 octobre 1798, t. XIX, p. 113-116).

§ 6. — Sciences, lettres et arts.

Qu’a produit de saillant dans notre période la culture des sciences, des lettres et des arts, c’est ce que je vais maintenant essayer de résumer. Les sciences tiennent incontestablement la tête, et les mathématiques pures ont été, en particulier, très favorisées. L’analyse infinitésimale qui étudie à fond les variations simultanées de quantités dépendant les unes des autres, et qui comprend le calcul différentiel et son inverse le calcul intégral, fut le sujet de travaux importants : en 1797, Lagrange faisait paraître sa Théorie des fonctions analytiques ; la même année, Carnot, dans ses Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, prenait parti contre le système de Lagrange qui allait donner un complément à son œuvre dans les Leçons sur le calcul des fonctions, professées par lui en 1799. Lacroix publiait des ouvrages d’enseignement qui, s’ils ont vieilli, méritent, paraît-il, toujours, à cause de leur méthode, d’être mentionnés : en 1797, son Traité du calcul différentiel et du calcul intégral ; en 1798, son Traité élémentaire de trigonométrie ; en 1799, ses Éléments d’algèbre et ses Éléments de géométrie conçus dans un esprit jugé par certains préférable à celui des Éléments de géométrie de Legendre ; édités en 1794 ceux-ci eurent un immense succès. Monge donnait, en 1799, sa Géométrie descriptive, science dont il avait fait le premier un exposé doctrinal, rendu public dans ses leçons de l’École normale.