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(1er prairial an VII), naissait à Tours celui qui devait, au même point de vue, être le plus grand romancier, le plus grand historien des mœurs du dix-neuvième siècle, Balzac.

Parmi les acteurs, on peut citer, dans la tragédie, Talma, Saint-Prix, Boutet de Monvel, père de Mme Mars, Naudel, Mme Vanhove, Raucourt et Fleury ; pour la comédie, Molé, admis à l’Institut dès sa fondation, Fleury, Dugazon, Saint-Phal, Mlles Louise et Emilie Contat et Lange. Au sujet de la mise en scène, un amateur se plaignait, dans la Décade philosophique (t. VII), du 30 brumaire an IV (21 novembre 1795), de voir toujours le même village, le même salon ne comportant strictement que la table ou les sièges utilisés ; on demandait, d’une façon générale, un plus grand souci de la vérité et, en particulier, des décors appropriés aux pièces. En nivôse an VII (décembre 1798), on réclamait contre la longueur des entractes (Tableau général du goût, des modes et costumes de Paris, n° 8). Les spectacles qu’une ordonnance de police voulait faire commencer à six heures, ne commençaient guère que demi-heure plus tard et se terminaient vers dix heures et demie (Courrier des spectacles du 13 frimaire an VI-3 décembre 1797 cité dans le recueil d’Aulard, t. IV, p. 480) En outre des théâtres, il y avait, sous le nom de « petits spectacles », de nombreux établissements ressemblant à nos cafés-concerts. Les bals étaient toujours très courus, c’est en l’an VII que la valse allemande se répandit ; tout aussi ridicule en elle-même, surtout chez l’homme, que les autres danses, elle dut sa vogue non au plaisir médiocre de son tournoiement, mais aux contacts qu’elle permet. Au commencement d’août 1799, sur l’initiative de l’ingénieur américain Robert Fulton, était ouvert, boulevard Montmartre, dans les environs de notre passage des Panoramas, le premier panorama construit à Paris à l’exemple de celui qui existait depuis une dizaine d’années à Londres : il représentait la vue de Paris du sommet du pavillon central des Tuileries, exécutée par Fontaine, Prévost et Bourgeois.

En résumé, pas plus au théâtre, à un point de vue quelconque, que dans les autres parties de la littérature, cette époque ne nous offre rien d’original ni dans le fond, ni dans la forme. L’antiquomanie, l’anglomanie, l’allégorisme, le sentimentalisme, les gravelures et le calembour caractérisent le goût dominant. Et tout cela se mélangeait au point que le calembour devint lui argument en matière de symbolisme. Le ministre de l’Intérieur désirant planter des arbres devant la colonnade du Louvre, demanda officiellement à Desfontaines et à Thouin de lui indiquer les arbres les plus propres à servir de symbole aux sciences et aux arts ; les deux professeurs du Muséum désignèrent — et leurs motifs se trouvent dans le Moniteur du 2 floréal an VII (21 avril 1799) — le cèdre du Liban pour les sciences et le platane d’Orient pour les arts ; consulté, Andrieux exclut le platane que « son nom seul », d’après lui, devait faire repousser. C’est en 1795, qu’un nommé Eve, dit Maillot, créa le type, devenu vite populaire, de Mme Angot ou la poissarde parvenue ; on avait