Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/236

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1796, sur une consommation totale de 117 395 quintaux métriques de tabac fabriqué, dans lequel entrait alors pour une très forte part le tabac à priser, un peu moins de 30 000 quintaux, perdant un quart de leur poids à la fabrication, étaient importés(Peuchet, Statistique élémentaire de la France, p. 315) ; en l’an VI, il était importé 78 000 quintaux métriques de sucre, 29 000 de cafés et pour 96 millions de francs de matières premières telles que coton, laine, chanvre et lin (Ibid.). Il était exporté, en l’an IV, pour 93 993 000 francs de produits manufacturés dont 76 000 000 de soieries, lainages et toiles, pour 36 000 000 de vins et pour 18 000 000 d’eaux-de-vie (Journal d’économie…) ; en l’an VII (1798-99), 60 000 muids d’eaux-de-vie et 220 000 de vins de Bordeaux (Peuchet) ce qui, avec le muid égal à 268 litres 22, équivaut à 161 000 hectolitres d’eaux-de-vie et à 590 000 hectolitres de vins. Une des principales causes de la pénurie du commerce pendant l’an II est très curieuse et de nature à établir que, durant cette année, on n’eut pas à se plaindre au point de vue de la consommation. Dans le rapport rappelé au début de ce paragraphe, Robert Lindet a écrit : « Les besoins augmentent, la consommation est excessive… L’un des plus grands obstacles qui s’opposent au rétablissement du commerce et aux exportations est l’excessive consommation qui se fait dans l’intérieur de toutes les productions du sol. Pour nous procurer des farines et des grains, il faut donner en échange une partie de nos vins ; le commerce de Bordeaux ne peut s’en procurer la quantité nécessaire à ses exportations ; on en a livré une trop grande quantité à la consommation ». Et, comme remède, Robert Lindet prêchait tout particulièrement « la frugalité » (Moniteur du 3 vendémiaire an III-24 septembre 1794).

On ne doit pas oublier que, pour l’importation principalement, les chiffres donnés ne se rapportent qu’aux opérations commerciales faites ouvertement ; or, le commerce de contrebande était considérable à cette époque ; il fut à un moment le seul commerce prospère. Tout contribuait à le favoriser. Potter, fabricant de faïences à Chantilly, se plaignait, le 6 fructidor an IV (23 août 1796), au Bureau consultatif du conseil de commerce, de l’introduction de faïences anglaises par navires neutres en violation de la loi (archives du ministère du Commerce). Comme conséquence de la guerre, une loi du 10 brumaire an V (31 octobre 1796) renouvela et aggrava la prohibition du 18 vendémiaire an II (9 octobre 1793) d’importer et de vendre les produits anglais, et elle réputait anglais, quelle que fût leur origine, certains produits importés de l’étranger, énumérés en dix articles, tels que diverses étoffes de coton et de laine, les boutons, les ouvrages en métaux, les cuirs et peaux, les sucres raffinés et la faïence ; seulement la tolérance à l’égard des prises de nos corsaires qui redonnaient à Nantes, lit-on dans le Moniteur du 3e jour complémentaire de l’an VI (19 septembre 1798), « l’air de la vie et de l’abondance », fut un moyen commode d’éluder cette apparence de rigueur et de justifier la détention illégale de marchandises anglaises. « Cette mesure du gouvernement, disent les Mémoires