Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/24

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il fit détruire des portraits et, continuant sa guerre aux abus, il protesta contre les complaisances de fonctionnaires pour les biens de « nobles personnages émigrés qu’on s’obstinait à vouloir qu’ils ne le fussent pas et pour lesquels on épuisait tous les faux-fuyants de la chicane pour éluder la main mise nationale sur ces propriétés inappréciables ». Or, son ennemi Longuecamp, procureur-syndic du district, était un de ces fonctionnaires et il allait trouver l’occasion de se venger dans l’affaire que les adversaires de Babeuf ont tant exploitée contre lui et que je vais résumer d’après les documents originaux que j’ai retrouvés au greffe du tribunal civil de Beauvais.

Le 13 décembre 1792, était mise en adjudication à Montdidier la ferme dite de Fontaine, bien national. Évaluée 29,398 livres 4 sols, elle était adjugée provisoirement, au prix de l’évaluation, au fermier Debraine et l’adjudication définitive était fixée au 31 décembre. Cette adjudication provisoire qui figure sur la même pièce que l’adjudication définitive dont je vais parler, est signée par Debraine, l’adjudicataire, par Lefrançois, un des administrateurs du directoire du district de Montdidier, et par Cochepin, secrétaire de cette administration. Le 31 décembre, après diverses enchères dont l’une fut faite par un nommé Levavasseur, la ferme était adjugée à Devillas, président du district de Montdidier, moyennant la somme de 76,200 livres et l’acte porte qu’étaient adjugés « lesdits biens audit citoyen Devillas qui a à l’instant nommé pour command de ladite adjudication le citoyen Charles Constancien Levavasseur demeurant à Montdidier, moyennant ladite somme de 76,200 livres, ce que ledit citoyen Levavasseur présent a accepté et a promis en conséquence d’exécuter les décrets de sorte que ledit citoyen Devillas ne puisse être recherché, et ont signé avec les commissaire, administrateur, procureur-syndic et secrétaire ». Or, et c’est curieux, cette déclaration ne porte en réalité que la signature de Levavasseur et celle du secrétaire Cochepin. S’il y a eu devant ce dernier, comme cela a été affirmé et comme c’est possible, convention formelle entre Levavasseur et Devillas, comment se fait-il qu’après avoir affirmé la signature des deux, il ait pu tout de suite faire signer le premier et non le second ?

En tout cas, le 30 janvier 1793, Devillas, président du district, ne l’oublions pas, et en présence d’un juge au tribunal, Nicolas Leclerc, s’appuyant sur ce que la déclaration en faveur de Levavasseur était nulle parce que lui, l’adjudicataire, ne l’avait pas signée, demanda à deux administrateurs du district, Jaudhuin et Babeuf, de substituer, dans l’acte d’adjudication, le nom de Debraine, le fermier du domaine, et celui de Léger Leclerc, le frère du juge, auxquels il voulait céder ses droits, au nom de Levavasseur à qui, d’après lui, il ne les avait pas cédés. La chose parut toute naturelle à ces deux administrateurs qui, n’ayant pas assisté à l’adjudication, ne connaissant l’affaire que par Devillas, constataient que la déclaration de command n’indiquait pas la participation effective de l’adjudicataire. Babeuf, dans le passage de l’acte