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la chouannerie et n’opéraient que pour leur propre compte ». La bande d’Orgères (Eure-et-Loir), une des plus connues, désola la Beauce et le Blésois de la fin de l’an III au début de l’an V (1795 à 1797). Ces bandes étaient fréquemment commandées par des gens qui avaient, en apparence, une situation régulière leur permettant à la fois de détourner les soupçons et d’obtenir des renseignements utilisés ensuite pour leurs expéditions criminelles ; ils se réunissaient dans les foires ou chez certains aubergistes affiliés à la bande se déguisaient fréquemment soit en gardes nationaux, soit en soldats, s’imposaient alors au nom de la loi et, dans les lieux où ils craignaient d’être reconnus, mettaient un masque ou se barbouillaient le visage de suie et de farine. Ils inspiraient une telle terreur que fermiers et entrepreneurs de transports en arrivaient à leur payer régulièrement tribut pour n’être pas dévalisés. Une loi spéciale, la loi du 29 nivôse an VI (18 janvier 1798), fut votée pour la répression de ces attentats. Dans le Midi, spécialement dans la région des Alpes, il y avait depuis longtemps des bandits de même espèce appelés les barbets, contre lesquels avait déjà été dirigée la loi du 20 fructidor an III (6 septembre 1795).

Au défaut de sécurité s’ajoutait le défaut de numéraire qui, du reste, se fit sentir à l’étranger comme en France : à la fin de février 1797, la Banque d’Angleterre était obligée de suspendre les payements en espèces. Sur le taux de l’intérêt nous voyons Dufort de Cheverny écrire au début de l’an VI (fin 1797) : « L’intérêt de l’argent monte au taux de quatre pour cent par mois » (Mémoires…, t. II, p. 368) ; et voici ce que, le 21 thermidor an VI (8 août 1798), Bailleul disait au Conseil des Cinq-Cents dans un rapport, sur les moyens de relever le crédit, fait au nom de la commission des finances : « Il est déplorable de voir que la Prusse emprunte à 4 0/0, que les fonds anglais ne donnent que 6 0/0 d’intérêt aux prêteurs, que l’Allemagne reconstitue à 4 0/0 les contrats dont les arrérages étaient à 5, et d’avoir à mettre en contraste avec ces faits constants le fait non moins certain qu’on ne trouve d’argent, dans la République, que sur le pied de 20 à 25 0/0 par an, et que le prix des propriétés s’y dégrade en raison de ce taux épouvantable, et devenu cependant familier ». Déjà, le 28 brumaire an V (18 novembre 1796), le ministre des Finances, Ramel, avait écrit « aux citoyens commerçants et négociants des principales places de la République », pour les inviter à se faire représenter à « des conférences particulières » qui devaient s’ouvrir à Paris, le 19 frimaire (9 décembre 1796), sur « le besoin de quelques lois et de quelques établissements en faveur du commerce ». Ces conférences s’ouvrirent à la date fixée et le Moniteur du 26 frimaire (16 décembre 1796), en rendant compte de cette première séance, donnait les noms de dix-neuf des délégués arrivés ; dans son discours, le ministre des Finances avait déclaré que « la-première idée qui se présente à tous les bons esprits, c’est une grande association de fonds et de moyens, c’est une banque, une banque, il faut le répé-