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comité décida, par arrêté du 12 thermidor an III-30 juillet 1795 (Moniteur du 21 thermidor-8 août 1795), qu’ils ne pourraient dorénavant les abandonner qu’après avoir obtenu de leur directeur un congé visé par la Commission des armes et poudres, et que les particuliers ne pourraient les employer sans ce congé.

La Décade philosophique du 10 prairial et du 10 fructidor an 11-29 mai et 27 août 1794 (t. Ier, p. 211 et t. 11, p. 201,), nous apprend que, malgré la campagne entreprise depuis quelques années en faveur de la pratique des prairies artificielles, le moyen le plus usité de rendre au sol sa fertilité, l’amendement par excellence, était toujours l’usage de la jachère absolue, c’est-à-dire du repos absolu de la terre laissée improductive pendant un an. Dans certaines régions arriérées, par exemple dans le Gers, la plupart des terres n’étaient semées qu’une année sur deux ; quelques rares étaient « tiercées », c’est-à-dire cultivées comme il va être dit (bulletin du 23 pluviôse an VII-11 février 1799, de la Société libre d’agriculture du Gers). Le mode de culture le plus habituel à l’époque que nous étudions, consistait à diviser, dans chaque exploitation, les terres labourables en trois portions à peu près égales ; chacune d’elles était à tour de rôle ensemencée, une année en blé ou en seigle, l’année suivante en grains d’une autre espèce, en avoine, par exemple, ou en orge, et restait, la troisième année, inoccupée (Bibliothèque physico-économique de Parmentier et Deyeux, volume de 1794, p. 30). Il en était ainsi dans le Cher qui n’était cependant pas un département mal cultivé, (Journal des arts et manufactures, t. III, p. 482). Les Annales de l’agriculture, de Tessier et Rougier-Labergerie, admettaient (t. III, p. 36) qu’il y avait « un tiers des terres en repos ». D’après de Pradt (De l’état de la culture en France, 1802, t. 1er, p. 139), trop communes en France, les jachères absolues « règnent sur presque toute son étendue » ; elles tenaient un peu plus du tiers des terres labourables (Ibidem, p. 170). De la sorte, tous les ans un tiers de chaque exploitation en moyenne ne portait que de mauvaises herbes, les deux autres tiers — et chaque tiers pendant deux années consécutives — des céréales. Cet arrangement se reproduisait sans la plus légère variété, « l’ordre des trois soles est le sujet d’une condition qui se met presque toujours dans les baux de terres labourables » (Nouveau cours complet d’agriculture, d’après Rozier, par les membres de la section d’agriculture de l’Institut de France, 1809, t. II, p, 172). Quoiqu’on recommandât alors (voir toutes les publications ci-dessus), à la place de ce procédé détestable, de ne pas semer deux années de suite dans la même terre des plantes de même nature, de renoncer à la jachère et d’alterner la culture des céréales avec celle de la pomme de terre, du turnep ou des légumineuses telles que le trèfle, la luzerne, le sainfoin et le lupin, François (de Neufchâteau), ministre de l’Intérieur, écrivait, le 2 thermidor an VI (20 juillet 1798), dans une circulaire : « Le trèfle est encore inconnu dans une partie de la France. Les funestes jachères stérilisent encore un tiers de ce grand ter-