Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/313

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ou comité secret se constituait définitivement, le 10 germinal an IV (30 mars 1796), chez Clercx, tailleur, 10, rue Babille — petite rue presque au coin de la rue du Louvre et de la rue des Deux-Écus, supprimée en 1886, lors de la transformation de la Halle au blé en Bourse du commerce — où Babeuf était en ce moment réfugié. Les réunions eurent lieu surtout soit chez Clercx, soit chez Reys, sellier, 2, rue du Mont-Blanc — c’est aujourd’hui la Chaussée-d’Antin, soit dans la maison de Lecœur, faubourg Montmartre.

Le comité, aidé dans sa besogne matérielle par un secrétaire, Nicolas Pillé, qu’avait procuré Lepeletier, s’occupa tout de suite de son œuvre de propagande ; il avait institué à cet effet un grand nombre de petites réunions inconnues les unes aux autres, mais toutes dirigées par de vaillants citoyens qui agissaient sous l’inspiration des agents des douze arrondissements ; ces agents étaient, dans l’ordre des arrondissements : Nicolas Morel, Baudement, Mennessier, Bouin, Guilhem, Claude Fiquet, Paris, Cazin, Deray, Pierron, Bodson et Moroy. Ils avaient aussi à répandre les écrits et les journaux indiqués par le comité. Le plus important de ces écrits fut l’Analyse de la doctrine de Babeuf, tribun du peuple, proscrit par le Directoire exécutif pour avoir dit la vérité. Buonarroti n’en indique pas l’auteur et, lors du procès, Babeuf dit à ce sujet : « Ce n’est pas moi qui suis l’auteur de cet ouvrage ; cependant j’y ai donné mon approbation : c’est moi qui en ai permis l’impression, qui ai consenti à ce qu’elle fût affichée et distribuée » (Débats du procès instruit, par la Haute Cour de justice séante à Vendôme, contre Drouet, Babeuf et autres, recueillis par des sténographes, t. II, p. 371). Voici le texte complet de ce placard distribué et affiché à profusion le 20 germinal (9 avril).

« 1. La nature a donné à chaque homme un droit égal à la jouissance de tous les biens.

« 2. Le but de la société est de défendre cette égalité souvent attaquée par le fort et le méchant dans l’état de nature, et d’augmenter, par le concours de tous, les jouissances communes.

« 3. La nature a imposé à chacun l’obligation de travailler. Nul n’a pu sans crime se soustraire au travail.

« 4. Les travaux et les jouissances doivent être communs à tous.

« 5. Il y a oppression quand l’un s’épuise par le travail et manque de tout, tandis que l’autre nage dans l’abondance sans rien faire.

« 6. Nul n’a pu sans crime s’approprier exclusivement les biens de la terre ou de l’industrie.

« 7. Dans une véritable société, il ne doit y avoir ni riches ni pauvres.

« 8. Les riches qui ne veulent pas renoncer au superflu en faveur des indigents, sont les ennemis du peuple.

« 9. Nul ne peut, par l’accumulation de tous les moyens, priver un