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de tels soldats que Bonaparte avait eu l’audace charlatanesque, pour se grandir aux dépens des autres, d’appeler, dans sa lettre du 3 messidor an IV (21 juin 1796) déjà citée, « une armée médiocre » (Correspondance, t. Ier, p. 519) ! Le 27 nivôse (16 janvier), malgré une sortie de Wurmser, bientôt obligé de rentrer dans la place, Provera, cerné à la Favorite, sous les murs de Mantoue, devait, pour la seconde fois dans cette campagne, se rendre avec un corps de plus de 6 000 hommes. Le 9 pluviôse (28 janvier), Joubert refoulait de son côté les Autrichiens à Trente et les forçait à l’évacuer. L’armée d’Allvinczi dispersée, Mantoue ne pouvait tenir longtemps ; la capitulation fut signée le 14 pluviôse an V (2 février 1797).

À la suite de l’armistice de Bologne (6 messidor-24 juin), des négociations avaient eu lieu en vue de conclure avec le pape un arrangement définitif. Sans doute pour amadouer le Directoire, le pape, par un bref daté du 5 juillet 1796, exhorta les catholiques français à se soumettre « aux autorités constituées » (Joseph du Teil, Rome, Naples et le Directoire, p. 236). L’authenticité de cette pièce, qui a été contestée, est établie dans l’ouvrage précédent (p. 246) d’une manière irréfutable. Entamées sans succès à Paris, les négociations continuèrent à Florence et aboutirent, le 23 fructidor an IV (9 septembre 1796), à une note que les commissaires de la République remirent au plénipotentiaire du pape et par laquelle on donnait à celui-ci six jours pour accepter les conditions du Directoire (Idem, p. 350) ; comportant le désaveu des écrits, bulles ou autres, consacrés depuis 1789 aux affaires de France et hostiles au nouveau régime. Le 14 septembre, le pape répondit par un refus et les choses allaient rester en l’état ; les clauses de l’armistice n’étaient toujours pas exécutées, et le pape songeait à recourir aux armes avec l’aide du roi de Naples, — celui-ci devait fournir des soldats, l’Angleterre de l’argent et le pape « du fanatisme à tout le peuple » (Idem, p. 370), — lorsqu’on apprit la signature à Paris du traité entre la France et le royaume des Deux-Siciles.

À la fin de vendémiaire an V, vers le 18 ou 20 octobre (Id., p. 384), le Directoire se décida à donner pleins pouvoirs à Bonaparte pour traiter. Averti, le 7 brumaire an V (28 octobre 1796), à Vérone, ce dernier écrivit aussitôt à notre représentant à Rome, Cacault, de voir le pape : « Vous pouvez l’assurer de vive voix que j’ai toujours été contraire au traité qu’on lui a proposé, et surtout à la manière de négocier ; que c’est en conséquence de mes instances particulières et réitérées que le Directoire m’a chargé d’ouvrir la route d’une nouvelle négociation. J’ambitionne bien plus le titre de sauveur que celui de destructeur du Saint-Siège ;… si l’on veut être sage à Rome, nous en profiterons pour donner la paix à cette belle partie du monde » (Correspondance de Napoléon Ier, t. II, p. 100). Quatre jours avant (Id., p. 87), parlant du pape au même Cacault, il lui recommandait de « tromper ce vieux renard » ; mais, sous sa fourberie, persistait son intention bien arrêtée de ne