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et à la Romagne qui allait être adjointe à la République cispadane ; il s’engageait à exécuter dans leur intégralité les clauses de l’armistice de Bologne, à payer en outre 15 millions de livres, à indemniser la famille du secrétaire de légation Bassville et à laisser rétablir l’école française des arts à Rome. Ce qu’il faut noter, c’est que Bonaparte, pouvant parler en maître, diminua bien le territoire du pape, mais laissa subsister son pouvoir temporel et la propriété ecclésiastique qui est un si puissant moyen d’action contre la société moderne issue de la Révolution.

CHAPITRE XV

INTRIGUES ROYALISTES — ÉLECTIONS DE l’AN V

(Germinal an IV à prairial an V-avril 1796 à juin 1797.)

La rupture du Directoire avec les patriotes, qui avait suivi la dissolution de la Société du Panthéon et qu’avaient aggravée les mesures prises contre Babeuf, les Égaux et le parti montagnard, amena un rapprochement avec les modérés et avec les royalistes déguisés en constitutionnels, habitués pour la plupart, les uns et les autres, du « club de Clichy ». Les directeurs, donnant un exemple que nous avons vu suivre depuis par ceux qui ne font, plus ou moins habilement, que de la politique personnelle, changèrent leur fusil d’épaule. Alors comme aujourd’hui, on vit attaquer la République sous le masque républicain. Tandis que les partis avancés disent ce qu’ils veulent, les partis de réaction osent rarement avouer leur but et dire ce qu’ils sont ; leur arme de prédilection, c’est le mensonge, c’est le faux. Prétendus constitutionnels ou ralliés n’étaient, ne sont, suivant l’expression de Mallet du Pan, que des « royalistes bâtards » (Correspondance inédite avec la cour de Vienne, t. II, p. 96). Le Directoire se tournant à droite, ils ne manquèrent pas d’en profiter pour réitérer le mouvement de réaction que Vendémiaire avait arrêté. Ils daignèrent accepter les invitations des directeurs ; ceux-ci ne purent faire moins, par reconnaissance, que de livrer aux faux républicains les places qu’ils enlevaient aux vrais. Carnot, qui ne croyait pas « impossible d’amener une réconciliation des esprits qu’une hostilité radicale ne séparait pas de la République » (Mémoires sur Carnot par son fils, t. II, p. 109) et qui, seul des directeurs, « comprenait bien notre système » (Souvenirs du lieutenant-général comte Mathieu Dumas de 1770 à 1836, publiés par son fils, t. III, p. 82), servit habituellement d’intermédiaire pour ces marchandages, qui n’allèrent pas sans quelques petites perfidies de part et d’autre (Lebon, L’Angleterre et l’émigration, p. 212). Nous avons déjà vu (chap. xii) que de nombreux fonctionnaires royalistes avaient été réintégrés dans leurs fonctions, et