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Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/391

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Ni à cette tentative, ni à celle dont il sera question plus loin, je ne puis, quant à moi, attacher l’importance que leur accordent MM. Guyot et Muret dans une étude déjà citée de la Revue d’histoire moderne et contemporaine ; une citation de Grenville faite par ces auteurs (n° du 15 janvier 1904, p. 258, note 1) et les citations que je viens de rappeler, dénotent un état d’esprit qui ne permettait pas à ces tentatives de réussir. Si le Directoire et Pitt ont cru pouvoir conclure la paix en cédant sur d’autres points que sur la Belgique, c’est qu’ils ont été tous les deux victimes de l’illusion qui fait croire une chose possible parce qu’on la désire ; même s’ils se sont flattés réciproquement de soutirer à l’autre la concession que chacun d’eux ne songeait à admettre pour son propre compte qu’à la dernière extrémité, cela ne saurait rendre très importantes au fond des négociations qui, quelles qu’aient été leurs apparences, étaient condamnées d’avance à ne pas aboutir par suite de l’entêtement indéniable de chaque partie sur ce qui était pour chacune le point essentiel.

Après avoir songé à jeter quelques troupes en Angleterre pour y organiser une sorte de « chouannerie », le Directoire s’était résolu à agir en Irlande où un soulèvement paraissait être prochain. L’Irlande avait été traitée par l’Angleterre en pays conquis ; la population catholique avait été dépouillée du sol, opprimée, persécutée, ce qui prouve que les religions valent moralement aussi peu les unes que les autres : soi-disant libéral là où il est en minorité, le protestantisme dans son ensemble s’est montré, quand il a été le maître, aussi malfaisant exploiteur et despote implacable que le catholicisme. En 1792, l’Angleterre avait bien accordé quelques réformes ; mais elles étaient impuissantes à satisfaire des revendications allant d’autant plus loin que devenait plus grand l’espoir donné par le succès de la Révolution française. En octobre 1791, avait été fondée à Belfast une société qui ne devait pas tarder à acquérir une grande influence, la société des Irlandais-Unis. Cette société, dont un des principaux fondateurs fut l’avocat Théobald Wolf Tone, d’origine protestante, poursuivait au début la réforme parlementaire et l’émancipation des catholiques ; mais, en 1795, elle tendait à la séparation de l’Irlande et à son indépendance. Après un séjour aux États-Unis, Wolf Tone débarquait le 2 février 1796 au Havre. Il se rendait à Paris où il nouait bientôt des relations avec des membres du gouvernement et où il avait, le 24 messidor an IV (12 juillet), avec Hoche une entrevue à la suite de laquelle un plan d’expédition en Irlande était adopté ; par arrêté du 2 thermidor an IV (20 juillet 1796), Hoche était nommé « général en chef de l’armée destinée à opérer la révolution d’Irlande ». Il devait d’abord, jusqu’au moment de son embarquement, garder le commandement de l’armée des côtes de l’Océan ; mais, par arrêté du 8 fructidor (25 août), celle-ci cessa d’exister le 1er vendémiaire an V (22 septembre 1796) et les départements de l’Ouest furent sous le régime commun.