Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/521

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sement il déboucha un peu tard ; le 1er messidor (19 juin), il se portait sur Tortone où le blocus du fort venait d’être levé, battait, le 2 (20 juin), près de Marengo, à Cassina Grossa, Bellegarde que nous avons vu arriver à la fin de mai à Côme, d’où il avait gagné les environs d’Alexandrie. À cette date, la bataille de la Trebbia était perdue, et ce fut là une victoire inutile. Au moment où Moreau allait marcher vers Plaisance, il apprenait la défaite de Macdonald et la reddition de la citadelle de Turin qui avait eu lieu le 2 (20 juin). Il ne pouvait plus songer à la jonction projetée ; aussi, prévenu de l’approche de Souvorov qui, parti le 5 (23 juin) de la rive droite de la Nure, prenait position, le 7 (25 juin), à Castelnuovo, il avait évacué la plaine de Tortone dont Souvorov faisait de nouveau bloquer le fort, réoccupé les hauteurs de Gavi, puis les postes où il était installé avant cette expédition ; ce fut du côté de Gênes que l’armée de Naples mutilée fut rejointe en messidor (juillet) par l’armée d’Italie.

À la suite des événements du 30 prairial (18 juin) dont il sera question dans le chapitre suivant, le Directoire modifié appelait, le 14 messidor (2 juillet), au ministère de la guerre, en remplacement de Milet-Mureau, Bernadotte et, en même temps qu’on prenait diverses mesures relatives à une prompte levée de conscrits et à leur rapide instruction, divers changements étaient opérés dans les armées. On décida la reconstitution d’une « armée des Alpes » à Chambéry et d’une « armée du Rhin » qui devait être la troisième de ce nom. L’armée des Alpes reçut, le 17 messidor (5 juillet), pour commandant direct placé sous les ordres du général en chef de l’armée d’Italie, Championnet, remis en activité par le nouveau Directoire dont un arrêté du 5 messidor (23 juin) avait rapporté celui du 7 ventôse (25 février) ; Macdonald dont les troupes rentraient dans l’armée d’Italie, était rappelé ; Joubert était nommé général en chef des armées d’Italie et des Alpes ; Moreau recevait le commandement en chef de l’armée du Rhin et de l’année du Danube laissée à Masséna. Celui-ci ayant alors offert sa démission, on la refusa ; on lui écrivit, le 30 thermidor (17 août), que l’arrêté qui l’avait motivée était rapporté en ce qui concernait la subordination de l’armée du Danube et de son chef à un autre général ; mais on persista à former l’armée du Rhin dont le commandement provisoire fut donné au général Muller.

Quand cela n’aurait été que dans le but de procurer à son armée les approvisionnements indispensables que les croisières des navires anglais dans la Méditerranée ne lui permettaient pas de recevoir par mer, Moreau aurait eu l’idée de reprendre l’offensive en Italie ; cependant, il préféra attendre pour cela son successeur. De son côté, Souvorov qui venait de recevoir un renfort de 8 000 Russes, aurait voulu profiter de sa supériorité pour écraser Moreau ; mais une lettre autographe de l’empereur, du 10 juillet, tout en le félicitant de sa victoire de la Trebbia, lui enjoignit de ne rien entreprendre ni en Suisse, ni en Ligurie, avant la prise de Mantoue et des citadelles