Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/524

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Pressé par le Directoire de prendre l’offensive, Masséna, avant d’engager une action générale, chargea Lecourbe d’opérer contre quatre corps autrichiens placés dans les montagnes et éloignés les uns des autres : les 27, 28 et 29 thermidor (14, 15 et 16 août), ils furent tous les quatre attaqués avec succès : le prince de Rohan, ce digne échantillon du patriotisme des royalistes français, au pied du Simplon, du côté de l’Italie, fut refoulé vers Domo d’Ossola ; Strauch, qui tenait le Grimsel, dut se retirer vers Bellinzona ; Simbschen, qui gardait dans la vallée de la Reuss la route du Gothard, fut réduit à se replier sur Ilanz et nous reprîmes le Saint-Gothard ; enfin Jellachich, entre le lac des Quatre-Cantons et celui de Zurich, fut repoussé derrière la Linth, et la ville de Schwyz fut prise. Ces mouvements des troupes françaises et l’arrivée des 30 000 Russes de Korsakov et de Derfelden poussèrent l’archiduc à tenter, le 30 (17 août), entre l’embouchure de la Limmat et le Rhin, le passage de l’Aar qu’il méditait depuis quelque temps, tandis que Hotze agirait contre notre division de droite, alors installée sur la rive gauche de la Linth. Finalement, ces deux tentatives échouèrent. L’archiduc avait reçu, conformément au plan arrêté entre les puissances alliées et à lui expédié le 31 juillet, l’ordre de quitter la Suisse aussitôt après l’arrivée des troupes russes. Désapprouvant cette mesure qui lui paraissait dangereuse, excusant, dès lors, jusqu’à un certain point, le mécontentement furibond de Korsakov à cette nouvelle, il résolut de lui laisser, en attendant Souvorov, les 20 000 hommes de Hotze. Informé qu’un corps d’armée français avait fait, le 9 fructidor (26 août), irruption sur le Rhin, il ne crut pas pouvoir rester personnellement plus longtemps en Suisse qu’il quitta le 15 (1er septembre).

Muller qui commandait sur le Rhin avait été, en effet, invité à opérer une diversion en faveur de l’armée du Danube. En conséquence, le 9 fructidor (26 août), il avait passé le Rhin à Mannheim avec une douzaine de mille hommes, marché sur Philippsburg, qui était investi le lendemain, et dirigé deux colonnes, l’une vers Karlsruhe, l’autre vers Heilbronn. Les Autrichiens s’étaient ralliés au sud de cette dernière ville, à Lauffen età Pforzheim. L’archiduc avait d’abord projeté d’attendre les événements à Donaueschingen ; mais, craignant que les Français ne fussent plus nombreux qu’ils ne l’étaient en réalité, il marcha lui-même, le 19 (5 septembre), à leur rencontre afin d’arrêter leurs succès. Muller, qui avait fait entamer, le 20 (6 septembre), le bombardement de Philippsburg, et qui était trop faible pour lutter contre les forces de l’archiduc, se replia, le 25 (11 septembre), sur cette place très éprouvée, en leva le siège et se retira sur Mannheim où il arriva le 28 (14 septembre). La petite armée du Rhin, dit Jomini, « avait rempli son objet au delà de toute espérance » (t. XII, p. 24) ; Muller n’eut qu’un tort, ce fut, lorsqu’il repassa le Rhin, le 29 (15 septembre), de maintenir à Mannheim des troupes que l’archiduc, le 2e jour complémentaire de l’an VII (18 septembre), écrasa. Pendant ce temps, Masséna prenait ses dispositions pour une attaque