Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/540

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le difficile » ; et (p. 377) se trouve une lettre de La Fayette à Louis Romeuf, du 7 brumaire an VIII (29 octobre 1799), dans laquelle il regrettait son attitude en cette occasion.

Le 30 prairial (18 juin), aux Cinq-Cents, Bertrand (du Calvados) répondit au message du Directoire lu la veille ; il s’indigna de voir les directeurs s’efforcer de rejeter sur le Corps législatif la responsabilité du manque de ressources qui provenait de ce qu’elles avaient été gaspillées et non de ce qu’elles n’avaient pas été votées : « des compagnies privilégiées ont été admises à faire des services, ont reçu des avances, n’ont rien fourni et ont remboursé les écus avec des valeurs qui perdaient 60 %, et l’on ose entreprendre de détourner votre attention, celle du peuple, de ces crimes pour rejeter sur vous la faute de notre situation », et il ajoutait qu’on portait, en vendémiaire an VII, « l’effectif de nos armées à 437 000 hommes, tandis qu’il ne s’élevait pas à 300 000, et l’on ose se plaindre de la pénurie du Trésor public ! » Il termina en invitant La Revellière et Merlin à se retirer. Un autre député, Boulay (de la Meurthe), insista sur ce point : « il faut, dit-il, que ces deux hommes sortent du Directoire », et il fit voter la nomination d’une commission de onze membres chargée de rechercher les mesures à prendre. Puis, soit sous l’inspiration des leçons du passé, soit grâce à l’avertissement que leur aurait donné, d’après certains (Aulard, Histoire politique de la Révolution française, p. 685), Barras, sur les velléités de coup d’État des directeurs menacés, les Cinq-Cents votaient une résolution, aussitôt approuvée par les Anciens, mettant hors la loi tous ceux qui donneraient ou exécuteraient l’ordre d’attenter « à la sûreté ou à la liberté du Corps législatif ou de quelques-uns de ses membres ».

Pendant ce temps, les modérés cherchaient à obtenir la démission de La Revellière et de Merlin. Après une longue résistance, ceux-ci finirent par céder. Un membre venait de demander la mise en accusation de Merlin, lorsqu’un message du Directoire annonça aux Cinq-Cents sa démission et celle de La Revellière. C’est là ce qu’on a appelé à tort le coup d’État du 30 prairial ; en fait, ni le 22 floréal an VI, ni le 30 prairial an VII n’ont été des coups d’État. Dans cette dernière journée, il y a eu une très forte pression morale exercée sur la volonté de deux hommes ; mais nul détenteur de la force publique n’est sorti de la légalité. Le 1er messidor (19 juin), les Anciens élurent Roger Ducos à la place de Merlin et, le 2 (20 juin), le général Moulin à la place de La Revellière. Le premier était un ancien Conventionnel qui avait été du parti de Danton et un ancien membre du Conseil des Anciens qu’il avait présidé le 18 fructidor an V ; le second passait pour Jacobin, il avait par intérim remplacé Kilmaine, malade, à la tête de l’armée dite d’Angleterre, le 10 nivôse an VII (30 décembre 1798), et il était arrivé à Paris, avec l’autorisation du ministre de la guerre, le lendemain du 30 prairial, pour se concerter avec le gouvernement sur la situation de l’Ouest.