Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/543

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« n’espéraient rien que du désespoir de la France, de l’épée d’un général factieux, de l’intervention des armées étrangères, en un mot, du désastre national et de la force » (Sorel, L’Europe et la Révolution française, 5e partie, p. 5). « Beaucoup de prêtres rentrés continuèrent d’obéir aux directions politiques des évêques émigrés, de prendre le mot d’ordre à l’étranger ; ils prêchaient la désobéissance aux lois, excitaient les conscrits à la désertion, demeuraient agents de réaction royaliste et maintenaient l’état de guerre » (Vandal, L’avènement de Bonaparte, p. 34).

C’est que les défaites éprouvées par l’armée française avaient réveillé les patriotiques espérances du parti royaliste et clérical. Comme aujourd’hui, il comptait sur la guerre extérieure pour triompher ; mais, tandis qu’aujourd’hui il lui faut d’abord fomenter cette guerre, il n’avait alors qu’à attendre la continuation des succès de Souvorov. D’après le résumé des comptes rendus au ministre de l’intérieur pendant le mois de floréal an VII (avril-mai 1799) publié dans l’ouvrage de M. Rocquain (L’état de la France au 18 brumaire), les ancêtres de nos militaristes faisaient de « puissants efforts… pour empêcher l’exécution de la loi salutaire de la conscription » (p. 378). Les « progrès de l’ennemi qu’on affectait chaque jour d’annoncer pénétrant sur le territoire français », causaient aux royalistes et cléricaux « une joie impie » (p. 379). « À Lyon, on criait aussi dernièrement dans le faubourg Georges : « Vive « Louis XVIII ! Le prince Charles arrive ! » (p.380). Dans le recueil de Schmidt (Tableaux de la Révolution française, t. III, p. 428-429), on trouve un rapport de Vesoul daté du 6 fructidor (23 août) où on lit : « Les succès momentanés de la coalition ont relevé l’espoir des royalistes et accru leur audace ».

Le brigandage royaliste et l’assassinat religieux n’avaient jamais complètement cessé ; partout, mais en particulier dans l’Ouest et dans le Sud-Est, on constata leur recrudescence dès que la reprise des hostilités eût nécessité l’envoi sur les frontières de presque toutes les troupes disponibles. Les attentats contre la personne et la propriété des républicains, meurtres et incendies, se multiplièrent de telle sorte que, pour tâcher d’y mettre un terme, les Conseils votèrent la loi du 24 messidor an VII (12 juillet 1799) : dans les départements, cantons et communes déclarés en état de troubles par les Conseils sur la demande du Directoire, les anciens nobles, sauf certaines exceptions indiquées, les parents et alliés d’émigrés, les aïeuls, aïeules, pères et mères des « individus qui, sans être ex-nobles ni parents d’émigrés, sont notoirement connus pour faire partie des rassemblements ou bandes d’assassins, sont personnellement et civilement responsables des assassinats et des brigandages commis dans l’intérieur en haine de la République » ; les administrations centrales avaient le droit de prendre des otages dans les catégories ci-dessus et, pour chaque assassinat commis « sur un citoyen ayant été depuis la Révolution ou étant actuellement fonctionnaire public, ou défenseur de la patrie, ou acquéreur ou possesseur de domaines nationaux », le Di-