Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/62

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Malheureusement les troupes françaises dénuées de tout, tombant dans un pays où tout était en abondance, se livrèrent à des excès qu’on ne saurait trop flétrir. Entamé dès le lendemain de la bataille de la Muga, l’investissement de Rosas était achevé le 4 frimaire (24 novembre) ; après un siège très pénible, pour lequel il fallut hisser des canons sur des hauteurs escarpées, Rosas capitula le 15 pluviôse (3 février), sans que, pendant les soixante-dix jours de siège, l’armée espagnole, abattue, risquât la moindre tentative pour le faire lever. Et, comme réponse à Charles IV, le lendemain de l’entrée à Rosas, les soldats républicains y fêtaient l’anniversaire ajourné du 21 janvier. Un décret du 13 ventôse (3 mars) attribua le commandement en chef à Scherer ; et Pérignon qui, à ce propos, écrivait à un ami : « À quelque part que je sois employé, ma place fût-elle la dernière, je serai toujours content et je m’efforcerai qu’on le soit de moi », (Campagnes de la Révolution française dans les Pyrénées orientales, par Fervel, t. II, p. 296), attendit sans rancune l’arrivée de son remplaçant.

À l’autre extrémité des Pyrénées, au 9 thermidor, l’armée des Pyrénées occidentales, dont Moncey commandait la gauche et Frégeville la droite, sous les ordres du général Muller, était sur le territoire espagnol. Le jour même du 9 thermidor (27 juillet), Moncey traversait la Bidassoa ; le 14 (1er août), un camp espagnol, établi entre cette rivière et Hernani, était enlevé sans grande résistance, les troupes espagnoles se retiraient en désordre dans cette dernière ville et, le soir même, Fontarabie capitulait. Le lendemain, les soldats français prenaient Renteria, Pasajes, et arrivaient à Saint-Sébastien. Un parlementaire, le capitaine La Tour d’Auvergne, était aussitôt envoyé au gouverneur qui, dès le 17 (4 août), signait la capitulation et les vainqueurs étaient reçus avec enthousiasme par les habitants. D’autre part, les hauteurs d’Hernani évacuées par les Espagnols étaient occupées et, le 22 (9 août), Tolosa était prise. En attendant des renforts qui, envoyés de l’armée de l’Ouest, rejoignirent vers la fin de fructidor (milieu de septembre), il y eut dans les opérations un temps d’arrêt. Moncey, devenu général en chef, le 14 fructidor (31 août), à la place de Muller admis à la retraite, en profita pour établir un camp retranché à Saint-Sébastien. Ensuite, à gauche, on délogea les Espagnols de la vallée de Roncevaux encore en leur pouvoir et on s’empara d’une partie de la Navarre (brumaire-octobre) ; à droite, le général Antoine Marbot, après quelques opérations (début de frimaire-fin de novembre), installa solidement les troupes dans leurs quartiers d’hiver. Celles-ci étaient fatiguées, mal nourries et victimes d’une terrible épidémie de typhus. Les adversaires restèrent dans l’inaction jusqu’en ventôse (mars), l’armée française étant dévorée par une effroyable mortalité, et le général espagnol Colomera jugeant préférable de laisser la maladie faire son œuvre.

Sur mer, après la bataille du 13 prairial (1er juin) entre la flotte de Villaret-Joyeuse et celle de l’amiral anglais Howe où sept de nos vaisseaux