Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/83

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la police lui mettait la main dessus dans la maison où il habitait, rue Saint-Antoine, au coin de la rue, alors passage, Lesdiguières — ce doit être la maison qui porte actuellement le n° 9 sur la rue Saint-Antoine (ancien 228), et le n° 14 sur la rue Lesdiguières — une petite chambre sur le derrière, au second, qu’éclairait une croisée donnant sur le passage ; elle saisissait par la même occasion le manuscrit de son n° 33. Le 20 pluviôse (8 février], Mathieu annonçait à la Convention, au nom du comité de sûreté générale, qu’« un nommé Babeuf, violateur des lois et faussaire jusque sous le nom de Gracchus qu’il usurpe, est arrêté ; il est maintenant dans l’impuissance d’appeler les citoyens à la révolte, comme il ne cessait de le faire depuis un mois. Vous ne serez pas étonnés lorsque je vous dirai que cet homme a voulu corrompre le gendarme qui l’a arrêté et lui a proposé trente mille livres et une sauvegarde pour prix de sa liberté ».

En réponse à ces accusations, Babeuf adressa, le 21 pluviôse (9 février), au comité de sûreté générale, sous le titre « Le Tribun du Peuple… n° 34 et dernier », un manuscrit de huit pages qui figure aujourd’hui au Musée des Archives nationales sous le n° 1426, extrait du carton F7 4276. Il y attaque Fréron, se défend « d’avoir qualifié la Convention entière de Sénat de Coblenz » ; il répond péremptoirement au sujet du gendarme : « On m’a trouvé six francs en entrant dans la maison d’arrêt » ; après s’être déclaré le défenseur des Droits de l’Homme, il écrit : « On m’a accusé de prêcher l'insurrection. Comment l’ai-je prêchée ? J’ai conclu à une pétition pour demander la garantie de la Déclaration des Droits et de la Constitution que j’ai vu qu’on se disposait à violer. Cette garantie est obtenue par le décret du 20 rendu sur la proposition de Goujon ». Goujon avait demandé à ses collègues de la Convention de charger « ses comités de salut public, de sûreté générale et de législation, de prendre des mesures contre ceux qui attaqueront les Droits de l’Homme et la Constitution » ; Roux (de la Haute-Marne) dit alors qu’il n’était pas besoin d’un décret pour faire croire à leurs serments et il demanda l’exécution de ces serments et le passage à l’ordre du jour ; c’est ce qui fut voté. Ce vote « comble tous mes vœux », ajoutait Babeuf qui terminait en revendiquant la liberté de la presse. À cette même époque Babeuf répondit à une affiche reproduisant sa condamnation à vingt ans de fers, plus tard, dans le n° 38 du Tribun du Peuple (voir chap. xii), il accusera Fréron d’avoir été l’auteur de cette affiche ; en tout cas, les jeunes gens dont ce dernier était l’oracle avaient, le 21 pluviôse (9 février), brûlé le journal de Babeuf (recueil d’Aulard, t. Ier, p. 468 et 475).

Enfermé d’abord à la Force, située au coin de la rue du Roi-de-Sicile et de ce qui est maintenant la rue Malher, dont le tronçon entre la rue du Roi-de-Sicile et la rue des Rosiers occupe une partie de l’emplacement de cette prison, il était ensuite transféré à la prison des Orties ; c’était une maison d’arrêt assez récemment établie rue des Orties, d’où son nom, et dont le sol