Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/113

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compte de ce singulier état des esprits. Le public racontait que le Premier Consul allait se rendre à un grand congrès pacifique, que la paix était imminente… lorsqu’il fut sérieusement question du départ de Bonaparte pour l’armée et que le bruit s’en répandit, cette rumeur fut considérée comme tendancieuse. C’était en mars 1800, et un rapport de police porte en mention spéciale : « Départ du Premier Consul. — Les ennemis de la patrie continuent à l’annoncer[1]… » Il y a mieux encore : quelques jours avant Marengo, Bonaparte étant en pleine campagne, il n’est question que de la paix : « Il paraît constant dans le public que le Premier Consul arrivera à Paris à la fin de cette décade ou au commencement de la suivante. Tous les journaux l’ont annoncé, on le croit… Ceux qui se prétendent le mieux informés disent que la paix est certaine[2]… »

La paix tout de suite — voilà donc le désir du pays ; — la paix après une action décisive, voilà la volonté de Bonaparte. Et il n’y a pas conflit parce que la guerre est nationale. Si le Premier Consul attend de la victoire la consécration de sa main-mise sur le pouvoir, il y a bien des intérêts qui sont engagés dans la lutte. L’Autriche, pour la bourgeoisie, représente les Bourbons, le retour à l’ancien régime, la destruction de tous les « privilèges révolutionnaires », la restitution des biens nationaux… et Bonaparte est de plus en plus le défenseur de la Révolution lorsqu’il combat contre un tel ennemi. En outre, rappelons-nous qu’il y avait tout un monde de fournisseurs ou de spéculateurs qui attendaient de la guerre d’énormes profits, et que ce monde-là avait assisté Bonaparte au moment du coup d’État et aux premiers jours du Consulat provisoire. L’instant était venu de leur procurer des bénéfices, attendus et promis.

CHAPITRE II

LA GUERRE CONTRE L’AUTRICHE

Ce chapitre se divise naturellement en quatre paragraphes : les préparatifs militaires, la campagne d’été de 1800, la campagne d’hiver de la même année, la paix de Lunéville, en février 1801. On a écrit sur l’histoire des guerres de Napoléon, consul ou empereur, une quantité d’ouvrages de toutes sortes : traités, mémoires, souvenirs, correspondances… Nous nous bornerons à donner ici une leçon aussi claire que possible d’événements indispensables à connaître pour la marche générale de l’histoire, mais d’importance secondaire pour l’éducation socialiste.

  1. Aulard, o. c, p. 192.
  2. Ce rapport est du 12 juin 1800.