Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/185

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25 février 1803, adopté par la Diète le 24 mars, et ratifié par l’empereur François II le 27 avril 1803[1]. La Prusse, qui avait perdu 2750 kilomètres carrés et 125 000 sujets éloignés, recevait 500 000 sujets et s’installait en Westphalie, en plein cœur de l’Allemagne. Bonaparte avait voulu ménager Frédéric-Guillaume de Prusse, ami de l’empereur de Russie, car il espérait avoir ainsi des appuis contre l’Angleterre. À la Prusse souveraine dans l’Allemagne du Nord, le Premier consul faisait correspondre la Bavière souveraine parmi les États du Sud. La Bavière, en effet, pour 12 000 kilomètres carrés et 700 000 habitants, recevait 17 000 kilomètres et 900 000 habitants, le tout formant une masse homogène. Elle gagnait ainsi les évêchés de Bamberg et de Wurzbourg et quinze villes libres. Ces dernières tombaient de cinquante et une à six : Brème, Hambourg, Lubeck, Francfort-sur-le-Mein, Augsbourg et Nuremberg. Les princes ecclésiastiques étaient réduits à trois : l’archevêque de Mayence, Dalberg, devenu archevêque de Ratisbonne, le grand-maître de l’ordre teutonique et le prieur de Malte. Le duc de Bade, devenu électeur, acquérait les évêchés de Constance, de Bâle, de Spire. Le Wurtemberg, protégé de la Russie, était aussi élevé à l’électorat, obtenait 100 000 sujets pour 15 000 perdus. Le résultat le plus sûr de cette simplification dans l’organisation des territoires allemands (il y avait 18 ou 1 900 souverainetés indépendantes en Allemagne en 1789, il y en aura 39 en 1815 !) fut d’enlever à la maison d’Autriche ses meilleurs appuis et, aussi, de montrer la puissance de Bonaparte, qui distribuait ses faveurs en Allemagne, disposant, à peu près comme il l’entendait, des territoires.

En Suisse, le Premier consul agit encore davantage comme un maître. Les troupes françaises avaient quitté ce pays au mois de juillet 1801. À peine étaient-elles parties qu’une invraisemblable anarchie avait éclaté. Les partis se battaient et, derrière eux, les émissaires de toutes nations excitaient aux discordes. Bonaparte avait là ses espions qui rivalisaient avec ceux de l’Angleterre. Allait-il laisser sur notre frontière un foyer continuel d’insurrection, allait-il permettre à ses ennemis d’y entretenir des troubles et de s’y installer à ses portes ? Le 30 septembre, il avertit les Suisses qu’il sera le médiateur entre les deux landammanns Dolder et Mullinen, et, pour bien montrer son intention de rétablir l’ordre, il poste Ney avec 30 000 hommes à la frontière. Les Suisses durent se soumettre et laisser le Premier consul devenir, avec l’appui du parti fédéraliste, tout-puissant dans le gouvernement de la confédération helvétique. Le 29 février 1803, Bonaparte disait aux délégués suisses : « L’Italie, la Hollande et la Suisse sont à la disposition de la France ». Nous savons qu’il était en effet président de la république italienne ; à Gênes, Jérôme Durazzo, un de ses amis, présidait la République ligurienne ; le 11 septembre 1802, un décret partageait le Piémont en si départements, c’est-à-dire l’annexait. Depuis le 26 août, l’île d’Elbe était réunie à la France.

  1. Voir Himly. Hist. de la formation territoriale des États de l’Europe centrale, t. II.