Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/277

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notre organe. La neutralité de la Saxe, déjà par vous accordée, nous fait pressentir que Votre Majesté daignera agréer notre vœu[1]. »

Cette pétition, à laquelle est jointe une semblable de la chambre de commerce de Genève, est accompagnée d’une lettre du ministre de l’Intérieur, Champagny. « Sire, lui écrit-il, je ne vous ai point encore parlé du commerce de la France. Votre Majesté sait quel est son état. La guerre actuelle ne l’a pas empiré : il n’a presque plus de pertes à faire(sic). Mais les prodigieux succès de cette guerre raniment le courage des commerçants et des manufacturiers. Ils savent que Votre Majesté, qui ne fait jamais les choses à moitié, sait non seulement conquérir, mais faire tourner ses conquêtes au profit de son peuple, et ils espèrent que le commerce et l’industrie française trouveront aussi leurs avantages dans le nouvel ordre de choses qui doit sortir des mains de Votre Majesté. » Nous pouvons remarquer que les commerçants lyonnais, au contraire du ministre, n’émettaient pas le moins du monde l’idée que le commerce augmenterait, mais se bornaient à déplorer la guerre, en craignant que par elle le statu quo fût changé. Le 8 décembre 1806, une nouvelle lettre de Champagny rappelle à l’empereur la pétition que nous avons vue plus haut, et annonce qu’il en a reçu de semblables des commerçants de Paris et de Saint-Étienne. Il signale que les commerçants de Leipzig ont révoqué toutes leurs commandes, ce qui alarme tout le commerce français.

« La chambre de commerce de Lyon, alarmée de n’avoir pas reçu depuis longtemps une seule lettre de Russie, supplie Votre Majesté d’ordonner que les lettres de commerce, après avoir subi l’examen convenable soient envoyées à leur destination, l’interruption de cette correspondance pouvant amener celle de toutes relations commerciales. Sire, j’ai l’honneur de transmettre à Votre Majesté ces demandes, qui ne peuvent être bien appréciées que par elle, vu qu’elles se rattachent à d’autres intérêts dont Votre Majesté est seule l’arbitre. En ne les considérant que sous le rapport commercial, elles méritent d’être prises en considération. Mais Votre Majesté a prouvé par son mémorable décret du 21 novembre[2] qu’en faisant servir ses merveilleux succès à la ruine du commerce ennemi, elle s’occupe efficacement de relever le commerce et l’industrie de la nation dont elle a élevé si haut la gloire militaire. »

Derrière cette fameuse gloire militaire, les désastres s’amoncelaient, et le ministre, tout flatteur qu’il fût, ne pouvait les cacher à Napoléon. Le 10, le 12 décembre, il écrit de nouveau et, cette fois, pour rapporter les doléances du commerce bordelais, à qui il est dû plus de dix millions par les villes de Brême, Hambourg, Lübeck, Rostock, Stettin et Dantzig. « Les négociants de Bordeaux, écrit-il, implorent la clémence de Votre Majesté en faveur de ces

  1. Suivent les signatures.
  2. Le décret de Berlin organisant le Blocus continental.