Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/299

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sentir, on le doit à l’Angleterre. Depuis deux mois elle enlève toutes les piastres de Paris et des départements et les paye par les 20 millions d’engagements de nos maisons françaises, de la vente d’août dernier, qui sont à échéance. La compagnie anglaise fait partir en mars et septembre ses vaisseaux pour les grandes Indes et, un mois avant ces deux époques, elle fait enlever toutes les piastres du continent ; vous voyez que cette cause, ajoutée à tant d’autres, nous fait une guerre d’argent qui paralyse le commerce et la fabrique. Si l’on ne prohibe pas de suite, nos commerçants retourneront à Londres en janvier prochain, y achèteront encore à 20 ou 25 % de moins que celle-ci. Leurs achats arriveront en mars et feront fermer tous nos ateliers sans restriction, en même temps que nous enverrons 20 millions d’écus en piastres pour la compagnie anglaise… » Parmi les adresses qui vinrent appuyer celle envoyée par les manufacturiers du Rhône, nous relevons celle des fileurs et fabricants de toiles de Saint-Quentin.[1]

Nous pouvons en extraire un certain nombre de renseignements locaux « La loi du 1er complémentaire dernier[2] avait donné au tissage des toiles de coton pour l’impression dans l’arrondissement de Saint-Quentin un mouvement dont on devait attendre les résultats les plus avantageux et déjà ce mouvement est arrêté ; déjà les ordres des manufacturiers d’indiennes sont suspendus depuis qu’ils ont connaissance de l’arrivée en Angleterre de l’énorme quantité de toiles qui va infailliblement en faire tomber les prix hors de toute proportion… Si la branche des toiles pour l’impression des percales, des mousselines nous est ravie, branche sans laquelle il nous est impossible d’occuper le tiers de nos ouvriers, et qui nous est d’autant plus précieuse que la diminution de la fabrication des linons et gaze en met chaque jour un plus grand nombre dans la nécessité de chercher dans le tissage des cotons une nouvelle subsistance… Nous pouvons appliquer aux différents tissus en coton 11 000 métiers qui, dans l’espace d’un an, livreront 33 000 pièces dont la fabrication laissera en main-d’œuvre, dans notre arrondissement, une somme de 14 190 000 francs que la France, jusqu’à présent a payée à l’Angleterre. »

Cette adresse est appuyée d’un tableau ainsi établi :

Saint-Quentin, en 1789, était le centre d’une fabrication qui, sur un rayon de 12 lieues, employait, pour les tissus de fil de lin

15 000 métiers.

En 1805 cette même fabrique n’en emploie plus que

4 000 —

Il reste donc à destiner au tissage

11 000 métiers.
  1. Archives nationales, AF12 533.
  2. Il s’agit toujours de la loi qui a doublé les droits d’entrée.