Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/436

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un combat terrible se livra, le 2 mai, dans les plaines de Lützen. Il n’y avait pas loin de 100 000 hommes de chaque côté. Ney et Witgenstein furent tout d’abord aux prises ; les troupes de Bertrand, de Macdonald et d’Oudinot, l’artillerie du général Drouot entrèrent bientôt en lutte avec l’ennemi, et cette effroyable mêlée ne prit fin qu’avec la nuit. De part et d’autre, les pertes avaient été considérables. Plus de quarante mille hommes, tant Russes et Prussiens que Français, étaient hors de combat. Les alliés s’étaient retirés sans trop de désordre et, malgré l’insuccès final de leurs tentatives, leur défaite ne valait point les commentaires éloquents de Napoléon. Il est vrai que les troupes françaises s’étaient vaillamment comportées et avaient paru infatigables, ardentes et aguerries, tout comme les bataillons qui s’étaient trouvés à Iéna et à Austerlitz.

Quelques jours après la bataille de Lützen, Napoléon, précédé d’Eugène qui commandait l’avant-garde et avait dû repousser maintes attaques inopinées, entrait à Dresde que le czar et Frédéric-Guillaume venaient d’évacuer. Maître de cette partie de la Saxe et souverain incontesté, pour le moment, de la ville, Napoléon résolut d’y rappeler le craintif monarque réfugié à Prague. Celui-ci n’osa prolonger sa rébellion, et il s’en revint avec ses troupes que l’empereur fit aussitôt incorporer dans les cadres français.

Les hostilités furent suspendues pendant quelques jours, à partir du 16 mai ; Napoléon, qui souhaitait trouver dans un combat décisif l’éclat dont ses armes avaient grand besoin, était secrètement peu favorable aux négociations engagées de nouveau par l’Autriche pour le rétablissement de la paix en Europe. De plus, l’empereur ne pouvait concevoir que François II continuât à lui proposer des concessions — inévitables en fait — qu’il s’obstinait à tenir pour déshonorantes. Il sentait en même temps que la fortune avait cessé de seconder ses efforts ; les avantages d’un armistice lui semblaient d’autre part fort importants ; les délais consentis pour tenter d’aboutir à un accord, profitable, peut-être pour lui, lui permettaient en tout cas d’agir efficacement, de concentrer de nouvelles troupes, de réorganiser d’autres contingents. Ce fut pour ces raisons que, tout en refusant d’adhérer aux conditions de la médiation autrichienne, il dépêcha Caulaincourt auprès d’Alexandre. Pendant l’absence de l’envoyé français, il y eut dans l’armée un immense espoir, on crut à la paix ; on ne pouvait supposer, puisque les troupes venaient de remporter de récents avantages, de prouver que leur héroïsme valait celui de leurs aînées, que le czar resterait sourd aux propositions de Napoléon. Cependant plusieurs jours s’écoulèrent sans que le czar fît connaître sa réponse, et Napoléon, ne voulant point qu’on interprétât son attente comme une lassitude, donna l’ordre de reprendre la marche en avant. Le 19, les Français se trouvèrent en face de l’armée ennemie à Bautzen ; durant toute cette journée, Napoléon reconnut la situation des troupes russes et prussiennes. Celles-ci, commandées par Blücher, celles-là sous Wittgenstein, avaient été