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le prestige légitime de leur personnalité. Mais Ingres, qui représente une des plus fortes expressions de l’art classique, va céder la place à Delacroix, le plus puissant génie romantique d’une période qui allait voir Hector Berlioz et Victor Hugo.

GRAVURE - On concède, avec raison, une certaine importance aux graveurs du Premier Empire, qui acquièrent, pour la plupart, un métier solide et l’habitude de la fidélité et de l’exactitude dans leurs reproductions. Les principaux sont : A. Girardet, Boucher, Desnoyers, Tardieu, Bervic.

Les peintres, enfin, ne négligèrent point cet art, et il suffit de citer Prudhon pour qu’on soit édifié sur la valeur de ceux qui s’y adonnaient.

SCULPTURE. — C’est à Houdon et à Clodion que revient l’honneur d’avoir dirigé dans ses premiers développements la sculpture sous le Premier Empire. Les plus illustres d’entre ces nouveaux artistes furent assurément David d’Angers, Rude et Pradier. Mais il serait assez inexact de s’étendre sur eux, puisque leurs plus fortes œuvres ne furent réalisées que plusieurs années après la chute de l’Empire.

C’est très justement que l’on peut ranger David d’Angers dans la famille des grands sculpteurs français du xixe siècle. Ses œuvres ont encore aujourd’hui une force, une sobriété et une aisance qui sont l’indice d’une très belle personnalité créatrice. Son grand prix : La Mort d’Epaminondas avait attiré l’attention sur lui. Il s’y révélait déjà le grand artiste qu’il demeura par la suite. Il fut en relations avec Thorwaldsen et Canova qu’il connut en Italie. À son retour, il fit ses plus belles œuvres, sa statue de Condé et un très grand nombre de médaillons qui reproduisaient les effigies des plus célèbres contemporains.

L’inspiration de Pradier est avant tout attachée à l’antique. Le séjour que fit cet artiste en Italie lui permit de discerner la prééminence de la statuaire grecque, de la statuaire romaine. Il avait dès lors trouvé sa voie. La mythologie lui parut être une source inépuisable de compositions et cette tendance lui fit réaliser un certain nombre d’allégories dont quelques-unes ont une grâce et une harmonie qui surprennent encore aujourd’hui.

L’art de Rude, au contraire, est essentiellement différent de celui des précédents artistes. Il faut rechercher dans ses origines très humbles, dans cette conception nécessairement laborieuse, sévère, âpre de la vie, les raisons d’une manière si énergique, d’une puissance si peu commune. Rude était fils d’un forgeron et passa d’assez longues années dans l’atelier paternel. Il fallut, pour l’en retirer, les sympathies efficaces, les appuis matériels d’un certain nombre d’artistes qu’avaient étonnés les premières œuvres du jeune sculpteur. Ayant voulu suivre en Belgique un de ses protecteurs, c’est là qu’il réalisa quelques-unes de ses plus fortes œuvres. Son art, robuste et simple, de proportions sobres, émeut par la sincérité et par les sensations de