Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/565

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« On doit encore à l’aisance qu’a répandue la Révolution un heureux changement dans l’emploi des forces de la jeunesse. La classe manouvrière, autrefois plus pressée par les besoins, était dans la nécessité de livrer trop tôt les enfants à des maîtres durs qui les excédaient par des travaux disproportionnés à leurs forces ; aujourd’hui, le travail mieux payé n’oblige pas le manouvrier et l’artisan à faire partager à leurs enfants des occupations trop rudes pour eux. Aussi remarque-t-on moins de ces infirmités qui ne sont dues le plus souvent qu’à l’abus de la précocité du travail. »

En ce qui concerne les salaires, M. Marquis ne nous renseigne que sur ceux des ouvriers verriers de la verrerie du Grand-Soldat :

« Soixante-dix ouvriers sont employés dans cette usine et leurs salaires journaliers sont :

« 1° Le maître verrier 3 francs ; — 2° l’attiseur 2 fr. 25 ; — 3° le bûcheron 1 fr. 50 ; — 4° le manouvrier 1 fr. 20 ; — 5° le potier 1 fr. 60 ; — 6° l’emballeur 1 fr. 50. »

Pour le département du Nord, M. Dieudonné, préfet, a écrit un long mémoire, publié en 1804, où abondent les renseignements. Nous sommes obligés, sous peine de nous étendre à l’excès, d’en recueillir seulement quelques-uns :

« Le salaire d’une fileuse en lin de gros, qui travaille toute l’année est de 0 fr. 30 à 0 fr. 60 par jour.

« Les ouvriers occupés au travail du lin fin sont payés à la botte : ce salaire est de 1 fr. 50. »

« Filature de coton à la mécanique. — Les ouvriers se divisent en deux classes : les uns sont à la pièce, les autres à la journée. Parmi les premiers, les hommes faits, intelligents et laborieux, peuvent gagner par jour de 1 fr. 50 à 2 fr. 50, quelquefois 3 francs. Les enfants de 12 à 16 ans à la pièce peuvent gagner de 0 fr. 90 à 1 fr. 10. Les ouvriers à la journée gagnent de 1 fr. 10 à 1 fr. 30. Les enfants de l’un et l’autre sexe, depuis 6 ans (jusqu’à 16 pour les filles) gagnent de 0 fr. 30 à 0 fr. 75, en proportion de leur âge, de leurs services et de leur intelligence.

« Travail de la batiste. — Un bon mulquinier peut faire une pièce de batiste en trois semaines ; il gagne depuis 15 jusqu’à 20 francs sur cette pièce, suivant la finesse de l’ouvrage et la solidité de son travail. Chaque métier battant occupe ordinairement un élève qui aide l’ouvrier en disposant les trames, c’est-à-dire en défilant le fil qui y est destiné sur des morceaux de paille, d’où il résulte une espèce de fuseau qui entre dans la navette. À défaut d’élèves, ce sont les femmes qui font cette besogne.

« Les garçons vont à l’apprentissage de 11 à 12 ans ; à l’âge de 14 ans, ils peuvent gagner de 8 à 10 francs par mois ; à 18 ans, ils gagnent de 12 à 16 francs.