Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/568

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faire qu’une paire de bas par semaine, au prix moyen de 2 fr. 40 la paire, ne gagne par jour que 0 fr. 40. »

C’est M. Colchen, préfet, qui nous renseigne sur le département de la Moselle.

M. le préfet, au début de ses observations, déplore, en une page assez pittoresque, l’influence fâcheuse sur la moralité du beau sexe de son entrée dans la concurrence industrielle :

« Quant aux femmes, dit-il, elles n’étaient pas toujours étrangères aux travaux pénibles ; mais, aujourd’hui, elles les embrassent presque tous à l’égal des hommes, et principalement dans les vignobles : les pertes causées par la guerre y ont contribué. D’ailleurs, les femmes de la campagne sont fortement constituées et en état de supporter la fatigue des travaux les plus rudes, mais ce genre de vie altère en elles la retenue modeste de leur sexe ; et la fréquentation habituelle qu’il nécessite avec l’autre est assez propre à entretenir dans les mœurs une certaine liberté qui en fait perdre prématurément l’innocence. Cette observation est sensible, actuellement surtout, où souvent les passions sont imprudemment éveillées, dans la tendre adolescence, par les agaceries des filles, à qui les armées ont enlevé les garçons de leur âge. Ces circonstances ont puissamment influé sur l’âge de la puberté qui, en général, est devancé dans le sexe masculin. Je crois pouvoir en indiquer une autre cause dans les exercices pénibles auxquels il est appliqué de bonne heure, dans la nourriture plus substantielle, dans les liqueurs fermentées dont ses exercices nécessitent l’usage et qui doivent accélérer le développement des forces. »

Ne plaisantons point la psychologie un peu rudimentaire de M. Colchen, et sachons lui gré plutôt de ses intéressantes études sur la situation du prolétariat urbain et rural de son département. C’est dans son travail que nous allons trouver le tableau le plus complet de la vie ouvrière en l’an IX (1801) de la première République.

Voyons d’abord le tableau des salaires :

« Avec nourriture. — À la ville : en 1789, » : en l’an IX.

« À la campagne : en 1789, 0 fr. 45 ; en l’an IX, 0 fr. 65.

« Sans nourriture. — À la ville : en 1789, 0 fr. 80 ; en l’an IX, 0 fr. 92.

« À la campagne : en 1780. 0 fr. 80 ; en l’an IX, 1 fr. 12.

Gages des domestiques.

« Mâles : en 1789, 82 fr. 77 ; en l’an IX, 128 fr. 44.

« Femelles : en 1789, 51 fr. 28 ; en l’an IX, 71 fr. 36.

« Les mineurs des minières de Saint-Pancré (fer) gagnent 2 francs par jour, mais ne peuvent, à cause du mauvais temps, travailler plus de 240 jours par an.