Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/590

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en vue de les garder pour la spéculation et en fixant à 32 francs l’hectolitre, c’est-à-dire à 95 francs le sac de farine, le prix du froment dans le département de la Seine et dans cinq autres.

Encore un cas où l’on voit, dès cette époque, l’intervention de l’État rendue nécessaire pour réglementer la marche normale des phénomènes économiques.

Il ne nous reste plus, pour terminer cet exposé rapide de la situation agricole, qu’à parler de la condition des travailleurs ; mais les documents sur ce point sont bien rares, et nous ne trouvons guère à citer que le mémoire statistique du préfet de l’Eure, qui fait des habitations rurales une peinture plutôt navrante :

« Les fermes établies pour l’exploitation rurale, dit-il, forment un enclos plus ou moins vaste, suivant la quantité de terres à cultiver ; elles contiennent depuis deux jusqu’à huit et dix hectares. Les maisons, les pressoirs, les granges, les écuries et les bergeries, assez ordinairement distincts par leur emplacement, sont bâtis en bois, couverts en tuiles, plus souvent en chaume. On voit avec peine que les habitations sont placées dans une situation malsaine. La maison du fermier est quelquefois au-dessous du niveau de la cour ; la porte d’entrée est obstruée par des tas de fumier ; les appartements sont éclairés par une petite croisée fixe, qui ne permet pas de renouveler l’air et de dessécher le pavé, souvent trop humide. Le corps de ferme est réuni dans un enclos de deux ou trois hectares, chaque bâtiment est distinct et occupe un emplacement séparé. Le logement du fermier se distingue des autres habitations par une ou plusieurs croisées au rez-de-chaussée, quelquefois par un étage au premier ; les écuries, les bergeries, les étables, les poulaillers n’ont d’autres ouvertures que la porte d’entrée ; les greniers, qui forment les toits, servent à serrer les pailles et la mangeaille des bestiaux. Le bâtiment le plus considérable de la ferme, c’est la grange, dont la construction et la distribution sont proportionnées au produit des récoltes. Souvent la grange à blé est distincte et séparée de la grange à maïs ; dans la première, on serre les blés, méteil et seigle ; dans la seconde, l’avoine, l’orge, les pois, la vesce, la mangeaille, etc. Au milieu de chaque grange, et vis-à-vis la porte d’entrée, est l’aire sur laquelle on bat les graines ; le pressoir et les celliers se trouvent sur d’autres points. Un des plus petits bâtiments est le four, toujours relégué dans un endroit isolé, à cause de la crainte du feu ; c’est sans doute par précaution contre cet accident que les bâtiments sont ainsi séparés les uns des autres.

« Il n’y a que les fermes des propriétaires riches et celles ayant appartenu à ce qu’on appelait les gens de mainmorte, qui sont construites avec goût et solidité, la pierre de taille et la brique, pour les chaînes et les fondations, le moellon et le silex sont les matériaux ordinaires de ces constructions. Ailleurs, les bâtiments en bois, dont les colombages sont