Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/68

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tiques. Il suffit de regarder vers la Manche et vers la Méditerranée, vers nos montagnes et vers nos plaines, il suffit de comparer les climats répartis sur notre sol, ou encore d’étudier la constitution géologique du territoire de la France pour se rendre immédiatement compte des différences parfois considérables entre les intérêts de nos diverses régions. Il semble dès lors qu’il convient, pour que chaque partie du pays puisse atteindre son maximum de développement économique, de lui donner une autonomie sérieuse, il apparaît qu’on doit lui laisser vivre sa vie sans le soumettre à des règles, sans doute éminemment profitables à certaines régions, mais en même temps nuisibles à d’autres. C’est l’effort vers cette autonomie, vers la commune, qui est absolument brisé par la loi du 28 pluviôse. La Constitution divisait la République en départements et en arrondissements communaux. Les départements furent laissés ce qu’ils étaient (le département du Mont Terrible fut réuni à celui du Haut-Rhin) ; quant aux communes, au lieu d’en faire une force administrative, tant au point de vue territorial qu’au point de vue autorité, au lieu d’étendre le système des municipalités cantonales de l’an III, c’est-à-dire de créer la vie communale au sens exact du mot, on en fit au contraire un minuscule élément administratif sans ressources et sans force. La commune, on s’en méfie et, parce qu’elle pourrait être un monde, on en fait une molécule. Les 44 000 communes de la Constituante réapparaissent, englobées non seulement dans les départements, mais groupées d’abord dans l’arrondissement, c’est-à-dire le district aboli en l’an III.

Ainsi, par la répartition territoriale, les intérêts régionaux ont reçu un premier coup.

Par l’exclusion du régime électif ils en reçurent un second.

En effet, par l’élection, les administrateurs désignés pour diriger la circonscription, commune, arrondissement ou département, sont des hommes du pays, ils ont la connaissance des gens et des choses et connaissant les besoins locaux, s’attachent à administrer dans l’intérêt local. Mais du jour où, du haut en bas de l’échelle administrative, toutes les places furent données par le chef du pouvoir exécutif, c’en fut fait de la vie locale. Tous les administrateurs dépendant d’un chef placé au-dessus d’eux qui les envoie tantôt dans une région, tantôt dans une autre, ne pouvaient avoir qu’un souci, administrer conformément aux instructions reçues d’en haut, c’est-à-dire, en l’espèce, selon la volonté du despote.

C’est un lieu commun de répéter en toutes circonstances que Bonaparte ne pouvait pas organiser la France autrement qu’il ne l’a fait et l’on ne manque pas de faire ressortir le désordre qui régnait partout lorsqu’il a pris le pouvoir, la nécessité de pousser à l’extrême la centralisation administrative pour qu’un contrôle plus rigoureux pût être exercé. Ce sont là des raisonnements très spécieux. Bonaparte a donné au pays une administration