Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/74

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sage pour honorer la mémoire de « ce grand homme qui s’était battu contre la tyrannie ? » N’avait-il pas, au nom de la liberté et de l’égalité, prescrit un deuil national de dix jours… ? Décidément, ce républicain avait raison qui avait signé cet impromptu[1] :

Quoi qu’en disent les mécréants,
Amis constants du diadème,
Celui qui battit les tyrans
Ne sera pas tyran lui-même…

LA POLITIQUE RELIGIEUSE

Pendant très longtemps, les socialistes ont pensé qu’ils n’avaient pas à intervenir directement dans les débats d’ordre religieux. Nombre de militants dans le parti socialiste jugent encore que la question religieuse doit être tenue en dehors du programme d’action socialiste. Nous ne partageons pas cet avis parce que nous estimons que l’œuvre socialiste est avant tout une œuvre d’émancipation, tant intellectuelle que matérielle. Or, trop d’événements contemporains nous ont montré au grand jour l’étendue du péril couru par la simple forme républicaine, du fait des sectes religieuses, pour que nous ne prenions pas résolument une place d’avant-garde dans la lutte engagée contre elles. La bataille est rude l’ennemi, par un travail savant et prolongé, nous a peu à peu enveloppés de toutes parts, c’est par une exacte connaissance de ses positions que nous arriverons à le vaincre. L’histoire nous donnera cette connaissance. Le Consulat, qui a posé les bases de l’organisation administrative actuelle, a également présidé à l’établissement des rapports entre l’État et les cultes, tels qu’ils sont encore aujourd’hui en vigueur. Il est donc essentiel qu’une étude sérieuse et approfondie nous montre comment ces rapports ont été institués. La période que nous allons embrasser dans cet exposé, commence au lendemain du 18 brumaire et va jusqu’à germinal an X. Elle se divise rationnellement en deux parties : dans la première, Bonaparte semble vouloir continuer la tradition révolutionnaire en observant le régime de la séparation ; des mesures d’apaisement marquent sa politique. Dans la seconde, le premier consul, désireux d’employer la religion catholique pour réaliser son vœu de domination, passe avec le Pape Pie VII une convention spéciale, un Concordat, qui fait du clergé ce qu’un historien éminent[2] a appelé une « gendarmerie sacrée », destinée à devenir « un instrument de règne dans la main d’un despote ». Le Concordat, signé à Paris le 26 messidor, an IX (15 juillet 1801) fut complété, — comme la loi du 18 pluviôse compléta la constitution de l’an VII — par la loi du 18 germinal, an X (8 avril 1802), portant les « Articles organiques du Culte catholique ». Une autre loi du même jour édicté les « Articles organiques du Culte protestant ».

  1. Ami des lois, du 18 pluviôse.
  2. Debidour. Histoire des rapports de l’Église et de l’État en France de 1789 à 1870.