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aux règlements de police qui seront jugés nécessaires pour la sûreté publique », vit sa rédaction remplacer à peu de chose près celle de Bonaparte : « en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires ». Ces quelques mots, germes des futurs articles organiques, Bonaparte pour rien ne les aurait supprimés. À l’annonce de la concession de Joseph et de Cretet, il entra dans une colère folle, se déclarant prêt à chasser les négociateurs italiens s’ils n’acceptaient pas « son texte ». Nouvel ultimatum : scène violente du Premier Consul à Consalvi le soir même, au grand dîner donné à l’occasion du 14 juillet, et enfin le 15, à midi, dernière séance des plénipotentiaires. À onze heures du soir, l’accord était fait sur le texte primitif de Bonaparte, avec cette adjonction « pour la tranquillité publique ». À minuit, les signatures étaient échangées.

B. — LE TEXTE DU CONCORDAT

Nous venons d’esquisser à grands traits l’histoire des négociations qui ont abouti à la « Convention du 26 messidor an IX entre le gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII ». Nous avons laissé de côté tous les détails des discussions portant sur tels ou tels mots des nombreux projets ou contre-projets : il est inutile et fastidieux de s’égarer dans les méandres de la casuistique tant religieuse que diplomatique. Mais, puisque nous sommes malheureusement liés encore aujourd’hui par ce texte, puisque des milliers de Français sont par lui tenus à une double obéissance : aux lois civiles de l’État français, aux lois religieuses émanant du pape romain ; il est indispensable que nous l’examinions pour savoir ce qu’il contient exactement.

Le Concordat comprend un préambule et dix-sept articles. Nous en ferons l’étude sommaire dans quatre paragraphes distincts : les principes — les conditions d’exercice du culte — la réforme administrative — le règlement de la question économique. Une seule stipulation ne pourra prendre place dans cette division : c’est celle portée par l’art. 16 : « Sa Sainteté reconnaît dans le premier consul de la République française les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près d’elle l’ancien gouvernement ». Parmi ces prérogatives — conservées seulement à un consul catholique (art. 17) — figure le titre de chanoine de Saint-Jean de Latran, porté encore par le Président de la République[1]… M. Noblemaire[2] se laisse aller à une tristesse « qui n’est pas sans se teinter d’un peu d’ironie », à la pensée qu’il faut « voir en M. Émile Loubet le digne successeur des rois très chrétiens, fils aîné de l’Église, chanoine de Saint-Jean de Latran, protecteur de la foi et rempart du Saint-Siège… ». Et nous aussi, nous trouvons cela triste !

  1. On peut voir dans l’ouvrage de M Mathieu, p. 322, note 1, le texte d’une lettre adressée par M. Loubet à ses confrères les chanoines de Saint-Jean de Latran, le 14 janvier 1902, pour les remercier de leurs vœux à l’occasion de la nouvelle année.
  2. O. c., p. 91.