doutables. Il y avait là le parti du ministère, composé de fonctionnaires en activité, le parti ultra-royaliste, constitué par la grande aristocratie de nom ou de fortune, et le parti des indépendants où d’anciens officiers de l’Empire, des avocats, des médecins trouvaient place. À la veille du scrutin, pour frapper un grand coup sur les masses, M. Decazes fit révoquer le comte d’Artois de son grade de colonel-général de la garde nationale, et du même coup MM. de La Rochefoucauld et de Bruges, ses aides de camp, qui faisaient peu à peu de ce corps l’instrument armé des ambitions du prince, perdirent leur emploi. Ce coup hardi, approuvé par le roi, que la Note secrète avait irrité, fut décisif. Les élections du 28 octobre 1818 furent un désastre pour les ultras : ils étaient 16 députés sortants, 4 furent réélus. Les ministériels étaient 36, ils revenaient 28 avec une perte de 8 voix. Les indépendants étaient 3 et ils revenaient 23. Tout le triomphe était pour eux. La Fayette et Manuel étaient élus.
Lorsque M. de Richelieu, qui était demeuré à Aix-la-Chapelle avec les souverains et leurs ministres pour régler certaines stipulations pécuniaires, suite du traité du 9 octobre, apprit le résultat des élections, il fut atterré. Il comprenait qu’il ne pourrait atténuer auprès de l’Europe officielle le mauvais effet de la nouvelle. Il ne se trompait pas. Les colères, encore que contenues, furent vives et M. de Richelieu était d’autant moins capable de leur faire face qu’à un moindre degré, il est vrai, mais sincèrement, il les partageait. Un autre homme aurait pu demander à l’Europe de faire crédit à la France, d’avoir foi en son génie, et montrer que l’ordre véritable et profond, celui qui pouvait être le gage d’une paix durable, devait sortir du libéralisme et non de la violence déréglée des soubresauts royalistes. Mais pour M. de Richelieu, les indépendants formaient l’avant-garde de la Révolution et ses yeux étaient obscurcis des funèbres visions qui avaient attristé son jeune âge. Il se promit de faire effort pour faire dévier le cabinet et le rapprocher de la droite. En attendant, par des attitudes fort nettes, les diplomates montraient leur confiance en notre pays.
Le 1er novembre, avant de connaître le résultat des élections, ils avaient noué avec la France une alliance. Un peu plus tard, au reçu de la nouvelle, ils renouvelèrent le traité de 1815, ils firent de la Sainte-Alliance une concorde agressive pour nous, chacun des pays signataires s’engageant à faire appel même à la guerre pour réduire le pays de la Révolution.
M. de Richelieu revint, et même au milieu des fêtes où l’on célébra, avec raison, son succès, il ne put dérober au regard les soucis qui le minaient. Comment tenir son imprudente promesse ? Il se convainquit vite que M. Decazes ne laisserait pas échapper le pouvoir et que, loin d’avoir satisfait son ambition, il l’avait accrue. Déjà, M. Decazes, qui avait été à l’intérieur le vrai premier ministre, tandis que M. de Richelieu était plutôt l’homme de l’Europe, se demandait s’il allait longtemps partager la popularité avec ce