un arrangement. La question arrêtée était celle-ci : Napoléon étant exclu et nul ne voulant plus traiter avec lui, qui le remplacerait ? M. de Dalberg prit le premier la parole et feignit de défendre, comme plausible, la régence de Marie-Louise, tutrice du roi de Rome. C’était une impossible hypothèse à laquelle des esprits sérieux ne se pouvaient attacher. Et la preuve en est que ceux qui auraient dû la défendre, dont l’autorité était autre que celle de M. de Dalberg. M. de Lichtenstein et le généralissime Schwartzemberg, se turent. Et, pourtant il s’agissait de la régence de Marie-Louise, de la toute-puissance remise à la fille de l’empereur d’Autriche, de l’influence même de l’Autriche pénétrant, par l’incapable régente qui lui eût été un mandataire docile, dans les affaires de la France. Impossible situation, et pour les alliés et pour la France, mais qu’aurait dû tenter d’établir l’Autriche ! Or, pas un mot ne tomba des lèvres de ses représentants attitrés ! Pourquoi ? Parce que cette régence était chimérique, qu’elle eût donné trop de force à l’Autriche, ou, par son fils docile à ses désirs, à Napoléon, à la fois absent et présent, et dont l’insatiable génie eût vite profité de la faute commise. Et si cette hypothèse eût été possible, est-ce que Metternich lui-même se serait pas venu à ce Conseil, n’aurait pas, de concert avec Talleyrand, dont l’intérêt lui eût été complice, préparé les voies ? Au lieu de cela, pas un diplomate n’assiste à ce conseil où siègent seulement des chefs militaires, dont l’intelligence, servie par la fortune, ne se haussait pas au-dessus des combats de la force ! N’était-ce pas une preuve de plus que tout était machiné, si, après les révélations des frères Michaud, un fait était nécessaire pour corroborer leurs aveux ?… Dalberg parle donc dans le vide, dans l’indifférence, pendant que Talleyrand, qui n’a même pas besoin de suivre sur les visages l’effet produit par ce discours, tient les yeux baissés. Pozzo di Borgo, le Corse dont toute la vie s’était jusque-là consumée dans la haine de Napoléon, piétinant l’ennemi personnel vaincu, répondit, et c’était chose aisée, à ces propositions. Comme il traduisait, au su de tous, la pensée intime du tzar, tout le monde se tut — et la régence fut écartée.
Nul n’osait parler. L’empereur Alexandre, comme pour se dégager d’une promesse imprudemment faite et dont il sentait la réalisation impossible, prononce le nom de Bernadotte. Talleyrand se chargea de la réponse : « Un soldat ! » Pourquoi un soldat ? Autant garder Napoléon. C’était décisif et chacun s’inclina, laissant à Bernadotte le soin de rechercher dans d’autres félonies le profit qui échappait à son âpre désir.
Ni Napoléon, ni Bernadotte. Qui désigner ? Les Bourbons ? Soit. Mais qui allait les proclamer ? Ce ne pouvait être les alliés. « Sire, ce seront les autorités constituées », répliqua Talleyrand, qui savait qu’on pouvait tout attendre de l’abaissement parlementaire dont Napoléon, d’ailleurs, avait été le premier complice. Cette délégation aux autorités constituées satisfit l’assemblée et tous allaient se retirer quand, affectant la plus grande sincérité,