Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/32

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des alliés de ne pas traiter, la déchéance prononcée par le Sénat… L’empereur, sans doute averti, ne changea pas de visage, mais il annonça le châtiment proche pour toutes ces rébellions et, pour congédier ses lieutenants, leur dit : « Je compte sur vous, messieurs ».

Ce fut le signal de l’explosion. Tous les sentiments contenus se livrèrent passage et, devant l’infortune du maître, l’audace de ses subordonnés éclata. Ney et Oudinot refusèrent de marcher. « Mais si j’en appelle à l’armée », s’écria Napoléon. « L’armée obéira à ses généraux. » Telle fut la réponse.

C’était la fin. Du moment que les compagnons de tant de combats se refusaient, c’est que leur perspicacité avertie apercevait la catastrophe. L’empereur, sous cet écroulement, demeura debout, « Que faut-il faire  ? « Abdiquer », répondirent toutes les voix. Il écrivit docilement cet acte, le remit aux maréchaux, voulut le leur reprendre, eut un sursaut de révolte et se rendit… Enfin il pria Marmont, Caulaincourt, Ney, d’aller à Paris négocier en faveur de la régence…

Napoléon se ravisa et remplaça par Macdonald Marmont, qui devait ainsi demeurer à la tête de son corps d’armée. En se rendant à Paris, les négociateurs vinrent avertir Marmont de ce changement, ajoutant que cependant l’empereur le laissait libre d’accepter la mission s’il lui semblait préférable.

Mais, depuis quelques jours, Marmont était livré à l’intrigue et avait noué avec les alliés et le Gouvernement provisoire des liens qu’il ne pouvait plus rompre. Il avait acquiescé à la défection. Talleyrand, par l’entremise d’un de ses anciens officiers d’ordonnance, l’avait préparé à cet acte. Et son esprit, encore indécis, était presque gagné lorsqu’il reçut une lettre du généralissime ennemi, lettre dont on peut bien penser, si on la rapproche de la démarche tentée par l’envoyé de Talleyrand, qu’elle était due plus à l’habileté machiavélique du diplomate qu’à celle du soldat. Dans cette lettre Schwartzemberg l’invite à se ranger « sous la bonne cause française » ; c’était une invitation directe à la défection.

Que répondre ? Grave résolution et moment solennel ! Dans ses mains à qui Napoléon a confié l’armée Marmont tient les destinées du pays. De ses mains, qui eussent été impuissantes sans la délégation de l’empereur, il peut précipiter les choses. Il hésite, convie ses généraux à un conciliabule suprême et, enfin s’engage, infidèle à la parole donnée à son maître, infidèle surtout au malheur, rebelle aux ordres reçus, meurtrier de son propre honneur désormais perdu. Il répond à Schwartzenberg qu’il est prêt à quitter avec ses troupes l’armée de Napoléon, sous la réserve que ses troupes pourront se retirer en Normandie, et que Napoléon aura sa vie sauve et sa liberté.

La lettre était expédiée quand arrivèrent au camp, porteurs du mandat que l’on connaît, Macdonald et Ney. Marmont les met au courant, demande à aller reprendre sa parole chez le généralissime. Tous partent, mais avant de quitter ses troupes, Marmont fait appeler les généraux Bordesoulle et Sou-