qu’après les ruineuses victoires, et si la France avait vu tarir l’or de ses coffres et le sang de ses veines, le crime en était à l’empereur. Un traité de paix et des concessions, apportées par lui, étaient inéluctables. Aucun pouvoir ne s’y serait soustrait. Mais le traité ne ratifie pas seulement la défaite, il désarme la France en livrant ses citadelles, leur matériel, celui des villes maritimes, et tous les approvisionnements. Bien plus, il enrichit les nations ennemies qu’une longue guerre avait ruinées, si bien que la France mutilée, non seulement était privée d’armes, mais se trouvait, vidée de toutes ressources, en face d’une Europe fortifiée. Le duc de Rovigo a pu évaluer la perte pécuniaire à un milliard et demi (plus de quatre milliards de notre monnaie).
Ce fut le comte d’Artois qui revêtit de son sceau cette honte, derrière laquelle l’histoire, même dédaigneuse des polémiques de scandale, a pu flairer une affaire profitable au véritable rédacteur du document, M. de Talleyrand. En même temps, d’un seul coup, tombaient les droits qui, pendant le blocus continental, avaient proscrit, sur les tissus et la cotonnade, la concurrence anglaise ; d’innombrables vaisseaux anglais, chargés de cargaisons, prêts à l’événement, envahissaient nos ports, et le marché intérieur était disloqué… Aussi, en quelques jours, ces événements malheureux froissèrent le pays dans son honneur, sa fierté, ses intérêts. Avant même que Louis XVIII ne vint prendre possession de son trône, le régime s’alourdissait sur la nation. Qu’allait apporter le roi nouveau ?
Le 20 avril, comme Napoléon abandonnait Fontainebleau, Louis XVIII quittait Hartwel où l’hospitalité anglaise l’avait protégé en dépit des sommations impérieuses de Napoléon. Ignorant de l’état des esprits, par son éloignement, sa réclusion volontaire, l’étroitesse des vues anciennes jamais abandonnées, ce roi revenait en France sans même se douter du fardeau qui allait lui être dévolu. Il débuta, à Londres, par un discours adressé au roi d’Angleterre et où il blessait à la fois, la fierté française et la susceptibilité des alliés auxquels il devait tout. Reçu avec des honneurs magnifiques dès son arrivée à Calais, il s’avança jusqu’à Compiègne. C’est là qu’il avait résolu de s’arrêter pour résoudre le conflit qui s’élevait en son esprit et qui touchait à ses prérogatives ainsi qu’à celles du Sénat.
Auprès de lui, deux confidents se tenaient, dont les contradictions violentes ne faisaient qu’obscurcir encore pour lui la notion des choses. M. Pozzo di Borgo, représentant d’Alexandre, lui conseillait le libéralisme, tandis qu’au nom du comte d’Artois, le duc de Bruges était chargé de réveiller en ce vieillard les suggestions de l’amour-propre royal. C’est ce dernier qui l’emporta. Il s’agissait de savoir si le Sénat rédigerait la constitution, si le roi lui jurerait fidélité, si, des mains de ses sujets ce monarque accepterait le bienfait du trône, ou bien, si le monarque concéderait à ses sujets une constitution libérale, ne recevant rien que de Dieu. Au fond, le roi nouveau incli-