Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/73

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aussi la Chambre des Pairs. Mais dans cette acceptation les deux chambres avaient pris soin de ne rejeter ni de n’accepter la succession de Napoléon II et à la Chambre des Pairs un violent débat s’était élevé entre Labedoyère qui plaidait la nullité de l’abdication si les conditions n’étaient pas respectées et foudroyait d’invectives la courtisanerie de tous ceux qui, rampant la veille devant le maître, le répudiaient.

« Au nom de qui parlez vous, si ce n’est pas au nom de Napoléon ? » disaient les partisans de la régence. « Au nom de la nation », répondait Dupin. Grand mot et grande chose, mais seulement pour ceux qui les comprenaient et ne faisaient pas de ces terreurs et de ces désastres le moyen d’une restauration meurtrière de la nation elle-même ! Or, à ce moment, quand les ennemis s’avançaient, que Blücher était à Saint-Quentin et Wellington tout près de lui, l’écheveau des intrigues cosmopolites était tour à tour brouillé et débrouillé par la main souillée de Fouché. Celui-ci était devenu, à l’intérieur, le chef du Gouvernement provisoire, avait fait nommer Davoust général en chef de toutes les troupes. Il n’avait jamais eu qu’une pensée, avant et pendant les Cent-jours : trahir l’empereur au profit du duc d’Orléans. Régicide, il se confiait au fils de Philippe-Égalité, rêvait d’un régime constitutionnel où il eût été le maître, avec un Parlement asservi, dont il aurait gouverné la pensée. Il avait fait prévenir le duc d’Orléans, en Angleterre, et s’était abouché avec Wellington. Mais, en attendant, le péril était immense : l’armée se concentrait et réclamait l’empereur. Il était impossible d’obliger cette armée à incliner ses aigles devant un autre souverain. Que faire ?

Précisément, aux visites qu’il recevait, Napoléon reprenait courage. Indigné contre l’assemblée qui n’a pu fermement décider qu’elle accueillait Napoléon II, il tente de faire préciser cette question : Defermon et Regnault-Saint-Jean-d’Angely vont aller saisir la Chambre. Le discours de Defermon séduit l’assemblée, mais la réponse de Dupin la rejette à l’extrémité opposée. À ce moment, l’infernal Fouché va profiter de tant de circonstances : il presse les députés, surtout Manuel, d’intervenir en faveur de Napoléon II. Et pourquoi ? Pour calmer l’armée en lui jetant un nom révéré et écarter Napoléon Ier. Et Manuel, dupe inconsciente de cette intrigue, parle, s’agite, triomphe ! Napoléon II est proclamé par la Chambre des députés et la Chambre des Pairs.

Reste Napoléon Ier. Fouché lui fait demander de s’éloigner à la Malmaison. L’empereur, redevenu docile, obéit, part. Il demeure là de mortelles heures, soumis à toutes les révoltes et l’instant d’après à tous les abattements, tantôt prêt à monter à cheval pour aller à Paris, tantôt enfoncé dans un fauteuil profond. Cependant, le Gouvernement provisoire, comptable de sa personne, de son évasion, effrayé de ses moindres actes, veut le presser de partir. Un navire américain est dans le port du Havre et Decrès le lui offre. Une invincible défiance le retient. Et cependant, il avait formé, en ces jours