Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

blique, déclarait fièrement que la France ne permettrait pas que le principe de la non-intervention fût violé, une note partant du quai d’Orsay, dictée par le roi, qui eut toujours la main sur son ministre des Affaires étrangères, fixait les cours du Nord sur les sentiments réels du gouvernement. Celles-ci, cependant, ne faisaient rien pour alléger sa tâche et, à la réception du corps diplomatique du 1er janvier 1831, le nonce, parlant en qualité de doyen au nom des représentants de l’Europe conservatrice, ne se gêna pas pour faire publiquement la leçon à Louis-Philippe en souhaitant « tout ce qui pouvait contribuer à raffermir de plus en plus le repos de la France, et par cela même l’état de paix et de bonne intelligence avec l’Europe ». Louis-Philippe avala comme miel cette mercuriale.

L’envahissement de Saint-Germain-l’Auxerrois et le sac de l’archevêché, où furent pourtant avérées les complicités de toute la bourgeoisie pour une émeute complaisamment disciplinée par les chefs de la garde nationale, servit à double fin. Le clergé fut ainsi averti du péril qu’il courrait à lier plus longtemps son sort à celui de la monarchie déchue, et ceux-là qui en avaient profité purent se retourner contre les membres du gouvernement pour leur reprocher avec cynisme de n’avoir pas assuré l’ordre et réprimé l’émeute. C’était la répétition de la manœuvre qui avait dépossédé Lafayette du commandement de la garde nationale et contraint Dupont (de l’Eure) à sortir du ministère.

L’émeute avait un peu débordé le cadre. La maison de Dupin aîné avait failli subir le sort de l’archevêché ; et la garde nationale, cette fois, était arrivée à temps. Les dévastateurs n’avaient pas seulement abattu les croix fleurdelysées qui ornaient les églises, ils s’en étaient pris aux fleurs de lys elles-mêmes et, malgré les répugnances de la reine, Louis-Philippe avait consenti à les enlever de ses armoiries, à la grande fureur des partisans de la quasi légitimité. Ils firent tourner ce grief à leur profit, et l’un d’eux, Delessert, interpella le gouvernement sur les événements du 14 février.

Son grand argument, fut la faiblesse du gouvernement devant l’émeute et son parti pris d’en rejeter exclusivement les responsabilités sur les bravades du parti carliste. Les préfets de police et de la Seine répondirent par de longues explications embarrassées ; le premier laissa entendre qu’il n’était pas responsable, qu’il avait un chef, le ministre de l’Intérieur. Celui-ci se rejeta sur le préfet de la Seine, qui affirma n’avoir pas reçu d’ordres pour agir. Or, le ministre, c’était Montalivet, l’homme du roi, tout acquis à la résistance ; s’il laissa faire dans cette journée, lui qui avait fait preuve d’initiative et n’avait pas hésité à donner de sa personne pour soustraire les ministres de Charles X aux fureurs du peuple, c’est donc qu’il entrait dans les plans du parti de favoriser l’émeute.

N’avait-on pas vu, en effet dans la journée du 15, Thiers, alors sous-secrétaire d’État de Laffitte, intervenir pour empêcher les gardes nationaux d’arrêter la démolition de l’archevêché, donnant pour motif que la garde nationale ne devait pas se commettre avec le peuple dans ces circonstances. M. Thureau-Dangin, ajoute : « Des témoins sûrs m’ont en outre rapporté que, le soir du 15 février,