Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/209

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simoniens à la célèbre milice romaine. Certains, comme le Figaro, disaient, annonçant des révélations qui ne vinrent pas : « Nous allons passer des dieux, qui sont ingrats, aux apôtres, qui seraient cupides, du simonisme à la simonie. » La publication, dans le Globe, des comptes de la communauté saint-simonienne fit taire ces calomnies.

D’autre part, la Tribune, qui était en polémique avec le Globe, cessait la discussion par une note fort digne. Puisque la police se chargeait de réfuter les saint-simoniens, le journal républicain déclarait qu’il y aurait lâcheté de sa part à se faire son auxiliaire. Le Figaro lui-même disait : « Aujourd’hui, nous ne sommes plus adversaires des saint-simoniens aux prises avec l’illégalité. » Quant aux Débats et à la Gazette de France, ils accueillaient toutes les calomnies et répétaient qu’Enfantin et Rodrigues étaient toujours sous le coup d’un mandat de dépôt.

Fourier, qui l’eût cru ! fit écho à cette clameur, et prit à son compte, les accusations des réactionnaires. Il faut lire ses félicitations au gouvernement pour avoir « réprimé » la doctrine saint-simonienne « par la force ». Il va jusqu’à soulever contre « la secte » la passion chauvine du moment. « La Sainte-Alliance ainsi que l’Angleterre, dit-il, ont agi très maladroitement dans leur intérêt, en ne soutenant pas cette secte qui, si elle eût duré trois ans de plus, aurait causé en France une bonne guerre civile. » Il raille la « secte de Saint-Simon » pour sa « prétention risible à s’emparer du gouvernement » et incrimine avec fureur « ses monstrueux dogmes de mainmorte généralisée et de théocratie absolue ». Il accuse les saint-simoniens de se mettre « en lutte ouverte avec le gouvernement », de se poser en « tribuns » et ajoute, faisant appel aux craintes des réactionnaires : « On n’a pas perdu le souvenir des Jacobins ».

Et quel est leur vrai but, leur « but secret », à ces « théocrates », à ces « Jacobins » ? Emplir leurs poches. « Ils voulaient, en association, exploiter le mot, s’en faire un marchepied pour fonder une religion, s’allouer des prélatures, s’emparer des donations, des héritages, des fortunes. » Car ils savaient que « l’argent est le nerf de la guerre ». Quelques-unes de ces attaques avaient paru en 1831 sous le titre de Pièges et charlataneries des sectes Saint-Simon et Owen. Fourier les réédita et les compléta, trois ans plus tard, dans son livre de la Fausse Industrie.

Dans leurs querelles meurtrières qui se poursuivront jusqu’au moment où j’écris, les socialistes ne devaient jamais dépasser l’injustice haineuse de Fourier. Puisse-t-elle leur servir d’exemple, leur montrer enfin l’inanité cruelle de telles polémiques, où l’on croit avoir démontré la fausseté d’une vue particulière quand on a tenté de déshonorer ceux qui la professent.

Sur quoi reposaient les accusations de la presse réactionnaire, que le parquet tenta un instant de retenir ? Sur un fait unique que nous trouvons ainsi relaté dans une note du maire du IVe arrondissement adressée au préfet de police : « Il paraît qu’une famille du VIIIe arrondissement… voit avec un vif mécontentement qu’un