Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/223

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vasion étrangère, Marie-Caroline n’avait trouvé que le bon vouloir platonique du tzar et du roi de Hollande. Quant au Midi, il ne bougeait pas.

Bourmont, qui après la bagarre de Marseille avait gagné Nantes, où il attendait les événements, n’était pas pour la guerre. Il avait mesuré d’un œil exercé les forces dont l’insurrection disposait, et il était fixé. Les comités vendéens, travaillés par ceux de Paris, n’étaient pas unanimes. La duchesse céda. Elle promit à Berryer de faire déposer les armes et de regagner l’étranger, dès qu’elle le pourrait sans péril.

Mais Berryer était à peine parti qu’elle se ravisa. Ses partisans lui annoncent qu’enfin le Midi bouge, que l’insurrection est générale du côté de Nîmes et d’Avignon, que Bordeaux prendra feu dès que la Vendée se sera montrée dans toute sa force. D’autre part, des intrigues ont été nouées avec quelques bonapartistes influents. Ils appuieront le mouvement. Promesse fallacieuse. Mais tout ce qui servait la passion de la princesse était accueilli par elle avec avidité. Tandis qu’elle escomptait l’appui de ces bonapartistes, l’héritier du nom qui les ralliait achevait sa courte existence. Le 22 juillet, celui qu’ils appelaient Napoléon II, et dont la politique de Metternich s’était appliqué à faire un petit archiduc autrichien, mourait de consomption.

Cette nouvelle, vite connue, ne pouvait que fortifier la duchesse de Berri dans la conviction que les bonapartistes reporteraient sur son enfant les espérances placées sur l’enfant qui venait de disparaître. Il ne faut pas croire qu’une telle espérance fût absolument folle : si beaucoup de républicains se laissaient gagner par la légende napoléonienne et si d’aucuns pleurèrent la mort du duc de Reichstadt, il ne faut pas en conclure que le bonapartisme fût homogène dans son patriotisme d’allure plus protestataire que libérale. S’il avait généralement cette allure au point d’entraîner les républicains et les libéraux que Béranger et Victor Hugo égaraient dans les poétiques sentiers de la légende, nombreux étaient les impérialistes qui, dans le régime napoléonien, regrettaient bien moins la gloire que « le despotisme, l’aristocratie et la servitude » qui, selon l’expression de La Fayette dans une lettre à l’ex-roi Joseph, furent ses traits principaux.

Ce que ces bonapartistes voyaient surtout, c’était « le rétablissement d’un trône dont les Cent-Jours avaient montré la constante tendance vers d’anciens errements ». Mais ils étaient peu nombreux, ceux-là, et naturellement plus aptes à profiter de la victoire qu’à la procurer par leur effort propre. Faute de Napoléon II, ils acceptaient Henri V, sans se remuer plus pour celui-ci qu’ils ne l’avaient fait pour celui-là.

Mais le Midi n’avait pas bougé. Malgré une crise industrielle qui affamait les ouvriers de Bordeaux, de vingt autres villes, rien n’annonçait l’insurrection promise, attendue, nécessaire. La Vendée, livrée à ses propres ressources, sans chef militaire, car Bourmont ne bougeait pas, alla au combat avec ses chétives bandes. Contre elle, l’armée avait remplacé la garde nationale. On voit, de-ci, de-là, les actes d’héroïsme et aussi de sauvagerie qui ont rendu fameuse, au point d’en être légendaire, la guerre que fit la génération précédente. Battus au Chêne, battus à