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L’agitation se continua jusqu’à la fin de l’année et ne se termina que sur une proclamation comminatoire du sous-préfet invitant les chefs d’atelier à dénoncer les agitateurs et menaçant ceux-ci de toute la rigueur des lois. Une bonne partie des fabricants, la moitié environ, n’en avaient pas moins dû accorder quelques augmentations à leurs ouvriers.

Dans cette année 1833 où la classe ouvrière s’agite un peu partout et développe ses formations syndicales, d’autres grèves surgissent à Lyon, où les charrons et les tisseurs d’or essaient d’obtenir de meilleures conditions d’existence ; au Mans, où les tailleurs sont à demi vaincus par l’appel que font les patrons aux ouvriers du dehors ; à Limoges, où, comme nous l’avons vu, les porcelainiers demandent l’établissement d’un tarif et où leur cohésion leur assure la victoire : à Caen, où les menuisiers demandent la réduction de la durée du travail ; à Paris, où les bijoutiers et les boulangers demandent, les premiers que la journée de travail soit moins longue, et les seconds un tarif nouveau.

Saluons ces aînés qui ont constitué à travers mille douleurs et mille persécutions la force ouvrière qui se développe aujourd’hui sans avoir à se débattre contre les entraves que la loi mettait alors à chacun des mouvements de la classe asservie et condamnée à l’être, ô ironie ! au nom de la liberté.



CHAPITRE IX


LA LOI SUR L’INSTRUCTION PRIMAIRE


Accouchement de la duchesse de Berri à Blaye. — Optimisme du gouvernement et de la presse. — La « misère » de Jacques Laffitte : il vend son hôtel. — Réorganisation des conseils généraux et rétablissement du divorce. — L’esprit de la loi sur l’enseignement primaire. — Subordination du maître d’école au curé. — Mesures contre la propagande républicaine. — Le manifeste des « Droits de l’Homme. »


Pendant qu’à tâtons, et en se heurtant à elle-même autant qu’aux lois ennemies, la classe ouvrière cherchait sa force, la bourgeoisie organisait pièce à pièce son pouvoir, poussée en avant par les nécessités mêmes du progrès et tirée en arrière par la crainte de trop éveiller le peuple. Le nouveau ministère comptait Thiers parmi ses membres. Placé à l’Intérieur, il débuta par une scélératesse : il paya cent mille francs pour saisir dans sa cachette la duchesse de Berri désormais inoffensive.

Transportée à Blaye et placée sous la garde du général Bugeaud, la princesse y accouchait quelques mois plus tard d’un enfant déclaré fille légitime de Marie-Caroline et du comte Lucchesi-Palli, gentilhomme de la Chambre du roi des Deux-Siciles. Le procès-verbal de cet accouchement fut publié par le gouvernement de Louis-Philippe, au grand scandale de tous. Quoi ! cette princesse qui pre-