Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/32

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Mauguin, qui était l’orateur le plus actif de l’opposition, souleva un tumulte en déclarant que les gouvernements sont les auteurs réels des fautes commises par les peuples : « La France entière est en guerre contre son administration », s’écria-t-il. Et il conclut en demandant une enquête sur la conduite du ministère depuis la révolution.

Le discours de Guizot eut pour résultat direct et immédiat de jeter la bourgeoisie dans la rue, non pour y faire des manifestations pacifiques comme celle des quatre sergents, mais pour envahir tumultueusement le manège Peltier, où se réunissait la société des Amis du Peuple. Le ministre avait dit : « Le désordre n’est pas le mouvement, le trouble n’est pas le progrès ». Ses amis politiques firent du désordre pour arrêter le mouvement. La réunion fut dissoute par deux officiers d’état-major de la garde nationale. Ceci se passait le 25 septembre, le soir même de la séance où Guizot avait dénoncé les sociétés populaires.

Mais on se doute bien que le discours de Guizot n’eût pas suffi à provoquer un mouvement violent contre la plus célèbre et la plus remuante des sociétés populaires. Qu’est-ce donc qui avait exaspéré la bourgeoisie parisienne contre cette société ? Pourquoi était-elle allée en tumulte dissoudre une réunion où, ce soir-là, disent les membres de la société dans leur protestation, on s’occupait pacifiquement d’économie sociale ?

La société des Amis du Peuple, composée de républicains, avait, dans les premiers jours de septembre, manifesté ses sentiments sur l’agitation ouvrière dont nous avons parlé plus haut. Au plus fort de cette agitation, le Moniteur raconta que la police venait de saisir une affiche dans laquelle on provoquait les « gardes nationaux, les chefs d’ateliers et les ouvriers à se réunir pour renverser la Chambre des députés ».

La vérité était que cette proclamation émanait des Amis du Peuple et qu’elle avait été déposée régulièrement par l’afficheur. Des poursuites, néanmoins, furent ordonnées, et un mandat d’amener décerné contre les signataires de cette affiche, Hubert, ancien notaire à la Villette, et Thierry. La presse libérale protesta contre ces poursuites, elle rappela qu’à l’Hôtel de Ville, lorsqu’on avait demandé au duc d’Orléans le jury pour les délits de presse, le futur roi avait répondu : « Des délits de presse, il n’y en aura plus ! » Le journal la Révolution dit que les Amis du Peuple étaient une « société composée de plus de trois cents membres, honorablement connus dans Paris ». L’affiche incriminée n’avait pas, selon ce journal, le caractère que lui attribuait le Moniteur. Elle « invitait tous les citoyens à renoncer à des querelles intestines pour s’occuper d’un seul objet, la dissolution de la Chambre ».

C’était, en effet, à ce moment, un sujet de discussions passionnées que cette question de dissolution. Les 221, majorité élue contre le ministère Polignac, étaient demeurés, et seuls quelques membres de la droite avaient cru devoir démissionner à l’avènement du nouveau roi. Mais ce n’était sûrement point sur le ton de la discussion que l’affiche des Amis du Peuple invitait la Chambre à s’en aller ; car si les journaux libéraux étaient unanimes à protester contre la saisie de l’affiche et les