Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/429

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humain ne reculera vers le passé ; jamais il ne demandera secours aux vieilles constitutions aristocratiques, quelle que soit la pesanteur de ses maux ; mais il cherchera dans les associations volontaires, fondées sur le travail et la religion, le remède à la plaie de l’individualisme. J’en appelle aux tendances qui se manifestent déjà de toutes parts ».

Nous trouvons ici les premières lignes de ce qu’on a appelé improprement le socialisme chrétien, et qu’il est plus juste et plus exact d’appeler le christianisme social. Ce n’est plus la protestation des conservateurs féodaux contre l’industrialisme et le machinisme, protestation utilisée par les socialistes dans leur critique du régime capitaliste. C’est un mouvement qui va côtoyer la démocratie et le socialisme, sous le regard inquiet et complice à la fois des puissances ecclésiastiques promptes à le refréner lorsqu’il ira trop loin et risquera de mettre l’Église au service du peuple, au lieu de se borner à être un moyen, imposé par le malheur des temps, pour ramener le peuple au service de l’Église.

Mais si l’Église se rapprochait d’un pouvoir qui n’avait que des grâces pour elle, le parti qui jusque-là s’était lié à l’Église, et pour lui complaire avait soulevé contre lui une révolution, le parti légitimiste ne désarmait pas. Lui aussi, dans certains de ses éléments, faisait des avances à la puissance nouvelle, à l’opinion, au sentiment démocratique naissant. Nous avons maintes fois remarqué que Berryer mettait une sorte de coquetterie à recueillir les applaudissements des démocrates. Il en était de même de Chateaubriand, qui enterrait pompeusement la monarchie défunte et faisait de ses cruelles protestations de fidélité à une dynastie sans espoir un hommage aux destins futurs de la démocratie.

La Gazette de France avait pour directeur Genou, un prêtre qui avait modifié son nom patronymique, et l’avait anobli en l’entourant de deux particules, ce qui le faisait « de Genoude ». Son idée fixe était l’alliance avec la gauche. « Aucune rebuffade, dit M. Thureau-Dangin, ne décourageait ses avances. » Il fonda même, à ses frais, une feuille démocratique, la Nation, qui vécut peu. Le premier, dans la presse, au lendemain de 1830. il avait demandé, lui, légitimiste intransigeant, le suffrage universel. Il était de cette école de conservateurs, florissante encore aujourd’hui, qui attendent toujours la réaction d’une poussée de révolution, et travaillent consciencieusement à faire, comme ils disent, sortir le bien de l’excès du mal.

Le 11 janvier 1841, il publiait dans la Gazette de France les lettres de Louis-Philippe émigré, écrites en 1807 et en 1808, dont nous avons donné des extraits dans notre première partie. Dans ces lettres, on se le rappelle, le fils de Philippe-Égalité se déclarait Anglais, demandait aux Espagnols un commandement contre les armées de Napoléon, aux puissances la souveraineté des îles Ioniennes, alors occupées par la France. Venant au lendemain