Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Empire comme le commencement de son émancipation. Qu’une crise commerciale et industrielle se produise dans une ville, qu’une grève éclate, c’est l’Empire d’abord que la classe ouvrière rendra responsable de sa misère ; et la propagande républicaine se répandra. Les procureurs le savent bien, et c’est de cela surtout qu’ils se méfient. Le moins de misère, le moins de gêne possible pour assurer le calme politique. C’est la misère qui pousse les tisseurs et fileurs de laine, à Reims, en 1853, à écouter Marchand et ses amis, qui leur apprennent ce qu’est Badinguet. Et il est certain, d’autre part, que le malaise industriel de 1857 a dû être une des causes du vote républicain des ouvriers des villes, en cette année-là. D’ailleurs, les républicains bourgeois, qui se rencontraient alors dans des réunions clandestines avec les ouvriers, n’étaient pas de ceux qui n’avaient vu dans la République qu’une forme gouvernementale. Certains d’entre eux comprenaient bien que si la Deuxième République avait pu être étranglée en décembre, c’était qu’elle n’avait pas su garder la confiance de la classe ouvrière. Et tous, plus ou moins, ils mêlaient à leur conception républicaine quelques réformes sociales. Entre eux et la classe ouvrière, provisoirement du moins, l’entente était possible ; elle était d’ailleurs nécessaire, urgente.

Nous tenterons de dire plus loin quelles espérances particulières de réforme sociale continuaient d’animer même en ces années-là de nombreux ouvriers républicains. Il nous suffit d’avoir marqué ici que momentanément, dans leurs préoccupations, le renversement de l’Empire avait pris la première place.

Mais, comment le renverser, cet Empire ? La propagande clandestine pouvait conserver au parti ses militants, ses fidèles. Mais pouvait-on espérer d’entraîner jamais les timides ? Comment, sous la surveillance de la police, et dans le silence de la presse, composer une majorité ?

Tout naturellement, les républicains revenaient à leurs anciennes méthodes. Il fallait tenter un coup de main, comme autrefois Blanqui, comme naguère l’homme de décembre lui-même : un attentat, l’insurrection heureuse d’une minorité s’emparant du gouvernement. Les étudiants qui connaissaient le passé de leur parti, les ouvriers qui, avant 48, avaient appartenu aux sociétés secrètes, aux Familles, aux Saisons, pouvaient indiquer la méthode. De 1852 à 1858, pendant toutes ces années de gloire pour le nouvel Empire, de nombreuses conspirations furent formées. La police, sans doute, en exagéra le nombre ; il lui fallait bien des prétextes pour achever d’extirper de France le mal républicain. Mais il y en eut de réelles ; l’idée du régicide ne cessa d’être prêchée par les proscrits ; et les petits groupes républicains ne cessèrent point de songer à l’émeute, à l’insurrection populaire.

Dès septembre 1852, on arrêta dans la rue de la Reine-Blanche un groupe de conspirateurs : un médecin, un officier de marine, mais avec eux une