sainte de l’indépendance italienne. Et depuis 1831, il était resté tout à la fois le confident et l’espoir des patriotes italiens exiles.
Liberté allemande, liberté italienne, liberté de toutes les nationalités opprimées, tels étaient ses rêves constants. Et, depuis le jour où il s’était emparé du pouvoir en France, il songeait à les réaliser.
Surtout, il sentait bien que la réalisation de ces grands projets flatterait l’amour-propre national de ses sujets. Les catholiques lui seraient reconnaissants de mettre la force de la France au service des intérêts chrétiens, au service des missions, au service des races latines. Mais les républicains surtout se rallieraient au prince qui déchirerait les traités de 1815, les odieux traités imposés par la Sainte-Alliance victorieuse et qui avaient étranglé leur propagande. Ils se rallieraient à l’Empire contre l’Autriche réactionnaire qui avait brisé la révolution européenne de 1848 ; et ils seraient au moins indulgents au prince qui inaugurerait l’œuvre d’émancipation, que la Deuxième République n’avait eu ni le temps ni le pouvoir d’accomplir. Sans doute, le coup d’État avait creusé un fossé difficilement franchissable entre les républicains et les bonapartistes, naguère encore unis contre la politique trop timide de Louis-Philippe ou dans l’admiration confuse des temps révolutionnaires. Mais les traditions créées par la légende n’étaient pas complètement éteintes. Les conceptions de politique extérieure des rédacteurs du Siècle n’étaient pas toujours très éloignées de celles de l’Empereur. Et celui-ci pouvait penser à utiliser les républicains. « L’Empire, disait-il un jour à Walewski, est encore de fraîche date ; il est soumis aux tribulations de l’enfance. Il faut qu’il réunisse sous le manteau de la gloire les partis qui tendent à se séparer de plus en plus ».
Tout en continuant de ménager les catholiques, Napoléon III allait donc tenter de satisfaire ses aspirations intimes. C’eût été déjà une besogne compliquée, délicate, de sauvegarder les intérêts français, à l’heure où les Allemands, où les Italiens, où toutes les races européennes rêvaient d’établir leur unité, au besoin même par la force, et d’affirmer leur puissance. Mais à quels dangers une politique d’intervention et de gloire pouvait-elle entraîner la France ! Passe encore même si une politique de nationalités, nettement populaire, n’avait fait qu’inquiéter en Europe les puissances réactionnaires. Mais, à vouloir mêler le profit individuel, le pourboire, dont Napoléon III avait besoin pour l’affermissement de sa dynastie en France, aux vastes desseins humanitaires, on risquait fort de mécontenter tout le monde, et de tourner contre soi les forces déchaînées des nations nouvelles.
Au lendemain du Congrès de Paris, on put croire un moment que c’était en Roumanie que Napoléon III allait inaugurer sa politique de nationalités. La question roumaine avait été abordée au Congrès. Napoléon III avait soutenu les revendications des patriotes roumains qui réclamaient tout à la fois l’indépendance et l’unité de leur pays. Il avait demandé pour eux la réunion des principautés moldo-valaques sous l’autorité d’un seul prince qui aurait