Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/152

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Il y a ensuite les Serbes qui, en 1858, ont rappelé les Obrenovitch et veulent réaliser la Serbie libre, la grande Serbie. En L862, les Serbes chassaient les Turcs de Belgrade. Et l’Empereur aurait peut-être, à cette occasion, poussé à une conflagration générale en Orient, s’il n’avait été retenu par le sage Thouvenel. Celui-ci se contenta de faire restituer Belgrade aux Serbes, jugeant que cela était une satisfaction suffisante a la politique des nationalités.

Mais tout cela n’est que fragmentaire. Ce ne sont que des satisfactions insuffisantes et momentanées que l’Empereur donne ainsi, tantôt à l’un, tantôt à l’autre des grands partis rivaux. Ce qu’il faudrait, c’est une belle et glorieuse expédition, qui réunirait vraiment tous les partis, une expédition qui tout à la fois apparaîtrait comme un triomphe de l’idée catholique et de la gloire française. Naguère encore l’Empereur avait cru en trouver l’occasion, dans l’entreprise italienne ; il avait cru pouvoir émanciper l’Italie et la grouper sous la présidence du pape. Les événements ont déjoué ses calculs. Mais il faut pour l’avenir de la dynastie, que cette occasion se retrouve. Au besoin, on la fera naître.

Ce furent les affaires mexicaines qui la fournirent.

Nous ne pouvons ici nous étendre à loisir sur les idées directrices du gouvernement impérial en cette singulière affaire. D’aucuns peut-être trouveront déjà que dans cette histoire socialiste, nous nous arrêtons bien longuement à tout le jeu des diplomates, à toutes les alternatives de la politique. Nous ne nous en excuserons pas.

C’est la politique étrangère, pour la plus grande part, qui a décidé des destinées du Second Empire. C’est à la répercussion intérieure de ses successives aventures, qu’il faut faire remonter souvent les victoires de la liberté. C’est là un enseignement que le prolétariat socialiste ne peut oublier. La diversion étrangère a été trop souvent le moyen d’étouffer la lutte révolutionnaire pour que nous soyons inattentifs à ces expériences du passé. Le Second Empire a été constamment un gouvernement de diversions extérieures. Il les a pour ainsi dire greffées les unes sur les autres, cherchant en Italie une diversion glorieuse aux préoccupations libérales renaissantes, cherchant ensuite en Orient ou au Mexique une diversion aux embarras italiens. Constamment la pensée politique du règne erra de l’Est à l’Ouest, des principautés danubiennes à l’Amérique, toujours à la recherche de la gloire incontestée, de la diversion formidable, qui imposera définitivement, à la nation française le respect d’une dynastie forte et glorieuse. Les diversions échouèrent lamentablement. Mais il ne faut point oublier que leur succès aurait achevé de tuer chez nous la liberté.

A d’autres points de vue encore, l’expédition du Mexique mérite de retenir l’attention. Rappelons brièvement les faits : depuis 1821, date à laquelle il avait secoué la domination espagnole, le Mexique était constamment en révolution ; les dictatures militaires se succédaient à coups d’émeutes, et