platement formulés les brochures ouvrières : la liberté de coalition, la liberté d’association. Quelques-uns y ajoutèrent bien sans doute la réglementation du temps de travail, la protection légale du travailleur, même adulte. « Il y a, disaient par exemple les délégués mécaniciens, une loi protectrice des animaux, qui obligent ceux qui les emploient à ne pas leur faire exécuter un travail au-dessus de leurs forces ; il y en a une autre concernant Le travail des enfants ; pourquoi n’y en a-t-il pas une semblable pour les hommes ? » Un certain nombre de corporations réclamaient de même une loi protectrice. Mais ce qui dominait dans ces cahiers du travail, c’était la revendication fondamentale de liberté. S’il n’y a pas de loi protectrice pour les adultes, continuaient les mécaniciens eux-mêmes, « c’est que sans doute, on croit qu’ils ont assez d’intelligence et de force pour se protéger eux-mêmes. Ni l’intelligence, ni la force ne nous manquent, il est vrai, mais l’une et l’autre sont enchaînées par la loi qui porte : Sera puni d’un emprisonnement de six jours à trois mois et d’une amende de 10 francs à 1,000 francs…, toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même [temps de travailler… » (p. 201). Si l’on ne veut pas défendre les ouvriers, qu’on les laisse au moins se défendre eux-mêmes.
Or, l’expérience anglaise vint précisément confirmer les délégués dans leur conviction qu’il n’y avait point pour eux de meilleur moyen défense que des associations ouvrières. Les statisticiens de l’Office du Travail ont constaté que « sur les 53 rapports émanant des 183 délégués parisiens, il y en a 38, par 145 délégués, qui expriment le vœu de voir se constituer dans leurs professions des chambres syndicales aboutissant à des commissions mixtes de patrons et d’ouvriers qui auraient pour mission de délibérer sur les conditions du travail ». Le chiffre est intéressant ; mais quand on fait de la statistique, il y a besoin de définir précisément, et la précision est parfois contraire à la réalité historique.
De la lecture des rapports, des textes que j’ai pu recueillir, il ressort en effet que les délégués de Londres ne s’étaient pas encore arrêtés à une terminologie très précise. D’une manière générale, cependant, Chambre syndicale, lorsqu’ils n’y ajoutent pas le qualificatif d’ouvrière, signifie pour eux une association mixte, composée des patrons et des ouvriers ou parfois de leurs élus. Pour désigner le syndicat, au sens moderne du mot, au sens trade-unioniste, ils emploient la désignation de Société corporative. Et quelques-uns, comprenant, par leur expérience même, que les sociétés professionnelles de secours mutuels sont l’organisme déjà existant dont on peut faire le syndicat, demandent simplement la liberté la plus large pour les sociétés professionnelles de secours mutuels.
Il y aurait une très belle et très utile étude à faire de la conception syndicale des délégués à l’Exposition de Londres, d’après leurs rapports mêmes. Nous ne pouvons hélas ! donner ici que de trop brèves indications.
Mais, quelles que soient les divergences des termes, il faut noter d’abord