Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/290

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Congrès, Bismarck s’était écrié joyeusement : « C’est la guerre ! », et il avait pris aussitôt les devants. Le 7 juin, les troupes prussiennes étaient entrées en Holstein, le 16, la majorité des États allemands décrétait contre la Prusse l’exécution fédérale ; le 18, les troupes prussiennes occupaient la Saxe, et le 23 elles entraient en Bohême. Le 3 juillet, à Sadowa, elles écrasaient l’armée autrichienne. Au même temps, du 28 juin au 14 juillet, Hanovriens, Bavarois et Hessois avaient été également battus ; mais le 24 juin, les alliés Italiens avaient été accablés par l’archiduc Albert, à Custozza.

L’effet de ces nouvelles fut de stupeur dans l’entourage impérial. Il fut moins rapide dans le public : le 4 juillet, l’Autriche avait demandé la médiation de la France : elle abandonnait la Vénétie pour l’Italie. La paix semblait prochaine : la rente monta ; et il y eut même à Paris quelques manifestations de joie sympathique pour l’Italie.

Mais dans quelles conditions, la France, intervenait-elle ? Quelles allaient être les stipulations de son arbitrage ?

À l’heure même où les libéraux se réjouissaient, le sort de la France venait de se décider. Dans un conseil tenu le 5 juillet au soir, M. de la Valette avait fait écarter l’idée d’une médiation armée : l’Empereur, lassé, malade, anxieux, avait renoncé à suivre le conseil du prévoyant Drouin de Lhuys. Le maréchal Randon n’avait pas affirmé bien nettement que les troupes fussent prêtes ; les meilleurs bataillons, les meilleurs chefs étaient encore au Mexique : l’Empereur n’osa pas envoyer sur le Rhin « le petit appoint de troupes françaises qui, de l’aveu même de Bismarck, eût mis les Prussiens dans la nécessité de couvrir Berlin ».

Ce furent des jours terribles, les plus mauvais du règne peut-être, que ceux qui s’écoulèrent du 5 au 26 juillet, depuis la nouvelle de Sadowa jusqu’à la conclusion de la paix austro-prussienne. Au jour le jour, M. Drouin de Lhuys et ses plus prudents conseillers signalaient à l’Empereur les dangers croissants, l’établissement définitif de la domination prussienne dans l’Allemagne du Nord et l’illusion de croire que la Prusse, forte au Nord, ne franchirait point la barrière du Mein, respecterait toujours l’Allemagne du Sud ; cependant que d’autres redoutaient une nouvelle affaire mexicaine, aussi ruineuse que la première, et dont le pays demanderait compte. Au-dessus de ces perplexités, enfin, planaient toujours les vieilles idées, les principes chers au souverain, son goût pour la nation allemande, son souci de l’Italie. Pouvait-il donc s’opposer aux victoires des jeunes nations dont il avait été le protecteur ? Le prince Napoléon était là pour le lui rappeler avec véhémence.

L’ambassadeur prussien M. de Goltz fut finalement surpris de la facilité avec laquelle l’Empereur acquiesça à l’annexion de l’Allemagne du Nord qu’accomplissait M. de Bismarck. Mais le soir du même jour, le clairvoyant Drouin de Lhuys disait découragé, à son chef de cabinet : « Maintenant, il ne nous reste plus qu’à pleurer ! »

Napoléon avait cru que la France lui saurait gré de la paix ; elle ne