Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/308

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« Que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, que les efforts des travailleurs pour conquérir leur émancipation ne doivent pas tendre à constituer de nouveaux privilèges, mais à établir pour tous les mêmes droits et les mêmes devoirs ;

« Que l’assujettissement du travailleur au capital est la source de toute servitude politique, morale, matérielle ;

« Que pour cette raison, l’émancipation économique des travailleurs est le grand but auquel doit être subordonné tout mouvement politique ;

« Que tous les efforts faits jusqu’ici ont échoué, faute de solidarité entre les ouvriers des diverses professions dans chaque pays, et d’une union fraternelle entre les travailleurs des diverses contrées ;

« Que l’émancipation des travailleurs n’est pas un problème simplement local ou national, qu’au contraire ce problème intéresse toutes les nations civilisées, sa solution étant nécessairement subordonnée à leur concours théorique et pratique ;

« Que le mouvement qui s’accomplit parmi les ouvriers des pays les plus industrieux de l’Europe, en faisant naître de nouvelles espérances, donne un solennel avertissement de ne pas retomber dans les vieilles erreurs et conseille de combiner tous ces efforts encore isolés ;

« Par ces raisons :

« Les soussignés, membres du Conseil élu par l’assemblée tenue le 28 septembre 1864, à Saint-Martin’s Hall, à Londres, ont pris les mesures nécessaires pour fonder l’Association internationale des Travailleurs ;

« Ils déclarent que cette association internationale, ainsi que toutes les sociétés ou individus y adhérant, reconnaîtront comme devant être la base de leur conduite envers tous les hommes la vérité, la justice, la morale sans distinction de couleur, de croyance, ou de nationalité ;

« Ils considèrent comme un devoir de réclamer non seulement pour eux les droits de l’homme et de citoyen, mais encore pour quiconque accomplit ses devoirs. Pas de droits sans devoirs ; pas de devoirs sans droits.

C’est dans cet esprit qu’ils ont rédigé le règlement provisoire de l’Association internationale. »

Dans le premier volume de l’ouvrage capital, qu’il est en train de publier sur l’Internationale (L’Internationale, Documents et Souvenirs, 1864-1878), James Guillaume a fait des différents textes de ce manifeste, — qui, fut adopté définitivement en 1866 par le Congrès de Genève — une critique minutieuse et importante. Il a relevé les inexactitudes de la tradition française.

L’une de ces inexactitudes doit nous arrêter : par la correction même dont elle fut l’objet plus tard, elle est un événement historique. Le texte anglais disait que « l’émancipation économique était le grand but auquel tout mouvement politique doit être subordonné comme un moyen (as a means) ». Ces mots « comme un moyen » ne se trouvaient pas dans le texte français. Lorsqu’en 1870, dans une nouvelle édition, et sur l’initiative de Paul