Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/337

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société corrompue où les monopoleurs et les mangeurs d’argent exécutaient toutes leurs saturnales, seules les associations ouvrières étaient les éléments d’ordre et de reconstruction que trouverait la société quand serait venue la catastrophe (p. 114-116). La Cour d’appel confirma le jugement.

Ce procès permettait de voir par quelle évolution, par quel élargissement naturel du problème ouvrier, des hommes comme Tolain en étaient venus à se soucier du rôle de l’État et des questions politiques.

Au moment où des hommes plus jeunes et plus ardents vont leur succéder dans la conduite de la bataille, au moment où ils commencent de perdre peu à peu toute influence, il importait de marquer les derniers progrès que l’expérience quotidienne avait fait faire à ces libres esprits.

D’autres donc avaient relevé l’arme. Pour que l’œuvre d’émancipation ouvrière si péniblement commencée ne fût pas anéantie, pour que les quelques éléments déjà organisés ne fussent point dispersés, il avait été décidé, le 19 février 1868, que les membres du bureau de Paris seraient appelés à élire une nouvelle commission. Le 8 mars, le dépouillement des votes amena la nomination de Bourdon, graveur ; Varlin, relieur ; Benoit Malon, teinturier ; Combault, bijoutier ; Mollin, doreur ; Landrin, ciseleur ; Humbert, tailleur sur cristaux ; Granjon, brossier ; Charbonneau, menuisier en meubles sculptés.

Sans hésiter à la pensée de poursuites certaines la deuxième commission parisienne annonça publiquement sa constitution. Quelques jours plus tard, elle donnait encore la mesure de son courage et de son activité en lançant un appel aux travailleurs parisiens en faveur des grévistes de Genève. Dans cette ville, en effet, depuis le 23 mars, toutes les corporations du bâtiment, habilement conduites par le serrurier savoyard Brosset, avaient engagé la lutte pour la journée de dix heures (au lieu de 12) et pour la fixation des salaires d’après un tarif arrêté par les assemblées générales des corps de métiers. Le 5 avril, l’Opinion Nationale publiait l’appel de la Commission parisienne. En quelques jours, les différentes Sociétés professionnelles envoyaient à Varlin plus de dix mille francs ; et c’est alors que les journaux bourgeois commençaient leurs contes ridicules sur les « meneurs étrangers », sur les « ordres venus de Londres » ou les trésors fantastiques de l’Internationale. Le Gouvernement était ouvertement bravé, il répondit au défi le 22 mai 1868. Les neuf membres de la deuxième Commission comparurent à leur tour devant la sixième chambre du Tribunal correctionnel de Paris.

Ce fut Varlin qui présenta la défense commune. Il montra que c’était l’activité de l’Internationale pendant la grève qui avait déterminé les nouvelles poursuites ; il déplora encore la nécessité où les travailleurs se trouvaient de recourir à la grève, « moyen barbare de régler les salaires » ; mais il fit retomber la responsabilité de ces luttes perpétuelles sur ceux qui entravaient l’œuvre d’associations d’étude telles que l’Internationale. « Si, devant la loi, dit-il, nous sommes vous des juges et nous des accusés, devant les principes nous