Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/387

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ple : 1848-1851-1792-1799-1804. Ne nous trompons pas, nous ne serons jamais des gouvernants. Je préfère la verge au compas.

« Ne croyez pas au moins qu’en politique, je cède aux entraînements de la multitude : j’appartiens rationnellement à la minorité. Ne suis je pas républicain ?

« Scientifiquement je ne suis pas plus au peuple qu’à Dieu.

« Bref, l’Empire tombera à temps pour emporter avec lui les derniers vestiges du despotisme et de la bourgeoisie »

Et, enfin, le 15 février 1870, au moment même, où, comme nous le verrons, les Internationaux se trouvent traqués à Paris ou à Marseille, Bastelica écrit encore à Richard : « j’admets ta philosophie en soi des événements présents jusqu’à un certain point. Nous ne devons pas nous montrer indifférents à la solution politique du problème social ; nous devons tendre au contraire à en saisir la direction. Si Marat et Babeuf avaient eu leur popularité dès 1789 ; ou bien encore si la liquidation de la dette et de la propriété s’était opérée de 92 à 93, la Révolution triomphait et débordait sur l’Europe entière. Serions-nous plus maladroits que la bourgeoisie ? Si nous ne voulons pas que la prochaine révolution soit politique, Faisons-la sociale, collectiviste. Telle est l’idée qui guide ma conduite. Nous opérons sur un peuple bizarre, original, fantasque : ici, à Marseille, si je contrebalance à moi tout seul plusieurs coteries plus ou moins jacobines, c’est parce que l’on voit en moi le républicain décidé à en finir avec tous les despotismes. Cette tactique, cette logique, dis-je, réussit et convainc. Je ne dis pas : c’est l’Empire qui a fait la misère ; je dis : c’est la misère qui a produit l’Empire. Je prends alors l’effet et la cause à bras-le-corps et les terrasse du même coup ».

Et c’est enfin la même thèse qu’avec une force, une netteté plus grandes encore, les Internationaux de Paris, placés au centre même du mouvement révolutionnaire, vont développer à leur tour. A aucun moment, semble-t-il, ni Varlin, ni surtout Malon ne perdirent de vue la poussée politique, au milieu de laquelle ils tentaient laborieusement de développer la propagande socialiste. Il semble bien que chez Varlin — on a pu le voir par quelques-unes des citations que nous avons faites plus hautes — l’antiparlementarisme soit allé se développant. Mais Malon lui-même n’était pas tendre au Corps législatif qu’il traitait de « foire aux libertés parlementaires lesquelles n’ont rien à voir avec la liberté populaire ». Le Corps législatif de l’Empire apparaissait d’ailleurs aux révolutionnaires politiques, avec qui s’alliaient les socialistes, comme tout à fait différent de ce que pouvait être une assemblée parlementaire. Mais Varlin lui-même sentait la nécessité de la révolution politique pour les réformes sociales.

En août 1869, par exemple, il écrit à Aubry : « Vous semblez croire que le milieu dans lequel je vis est plus préoccupé de la révolution politique que des réformes sociales. Je dois vous dire que, pour nous, la révolution